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L'immature

L'immature

Titel: L'immature
Autoren: Alain Garot
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respirer, vider leurs poumons. Moi, je n’ai pas le droit d’en faire autant : Jacquot est au-dessus de moi et je vois dans ses yeux qu’il ne va pas en rester là.
— Allez Dindin, tu dors ?
Et comme, à priori, je ne lui donne pas satisfaction, il insiste:
— Dindin ! Dindin !
Il crie. C’était prévisible avec lui. Parce qu’il a haussé le ton, inutile maintenant de me forcer, cela ne servirait à rien.
— Alors Dindin, la gym ne te plaît guère, n’est ce pas ? Tu préfères te saouler ?
Qu’ajouter à cela ? La vérité, il la savait. Sur le coup, j’ai rougi, sans plus. Mais lui, méchant comme il est, il m’a relevé à coups de savates ; et ces coups de pompes-là, croyez-moi, je les garderai éternellement en mémoire. Ensuite, il me frappe avec un tel acharnement que je suis vite contraint d’implorer sa pitié. Or, ce que j’ignore encore, même si j’en sais déjà beaucoup sur lui, c’est que la pitié, chez lui, ça n’existe pas. En sixième déjà, je me souviens que le fils de la mercière de Busigny avait eu le tympan perforé à cause d’une mauvaise gifle. Une petite, soi-disant ; car avec certains élèves, reconnaissons quand même qu’il est bien difficile de faire la loi. Sans doute. Mais moi je vous assure, M. le professeur : je ne suis pas un dur, je ne dis jamais rien. Et puis, ma vie privée, est-ce qu'elle vous regarde ? J’ai pleuré quand j’ai vu ses yeux exorbités. Il m’a dit:
— Fiche-moi le camp aux chiottes !
Ravalant mes sanglots, j’y suis parti en courant. Après m’y avoir laissé croupir plus d’une heure, Jacquot est venu lui-même me rechercher. Il m’a alors dit que j’étais un dépravé, une ordure; et que si j’avais été son fils, il m’aurait mis en maison de correction… De quoi vous redonner le moral !
Au cours suivant, celui d’Anglais, j’ai pris ma place comme d’habitude. Tout ce qui se passait autour de moi m’apparut soudain comme venant d’un autre monde. Les paroles de Jacquot, amplifiées mille fois, revenaient sans cesse à ma mémoire. Lorsque je me suis affalé sur mon pupitre, il y eut un grand silence. Le prof désigna deux gars pour m’accompagner à l’infirmerie. J’étais pâle et ne tenais plus sur mes jambes. On m’allongea sur le lit et je me retrouvai seul dans la chambre. Dix minutes plus tard, le proviseur en personne vint me voir, et c’est à ce moment-là que j’ai littéralement craqué.
J’ai tout dit. Tout ! La cuite, la crise de Freddy, la tête de maman, l’algarade avec le Jacquot. Le proviseur s’est certes montré gentil, compréhensif, et même, à certains moments, plutôt paternaliste. Mais ce ne fut pour moi qu’un petit feu de joie. Le soir, au dortoir, la mélancolie m’a repris et j’ai alors compris à quel point j’étais devenu irrécupérable.
La suite, la voici : sortie en ville l’après-midi, promenade sur la place Ducale ; puis retour à pieds dans mon pays. Pour y mourir : empoisonné.

ET MOURIR
    Allongé sur le lit, j’ai longuement fixé l’abat-jour. L’espace de quelques minutes, j’ai revu tous les grands moments de ma courte vie, de ma petite enfance à mon adolescence : courses éperdues à travers champs, escapades en forêts, promenades avec maman.
Pauvre mère. Elle allait donc devoir rester seule au monde, sans aucune nouvelle de Freddy. Avec Vautrin et sa politique. Et moi dans le trou.
Car c’est bien vrai que je vais mourir. La preuve : cette boîte de comprimés, ouverte sur la machine à coudre.
Et maman qui n’a rien vu et qui dort toujours. Il est deux heures du matin ; j’ai dû marcher longtemps dans la nuit. Je ne me suis même pas mis sous les draps et n’ai pas davantage pris la peine d’ôter mes chaussures. À quoi bon ?
Au fait, quelle sorte de cachets ai-je avalé ? Je l’ignore. Je sais seulement ce qui était marqué sur la boîte : « Ne pas dépasser la dose prescrite ». À part cela, rien. Plus rien. Du reste, ces détails sont sans importance. Quand on voudra me sauver, il sera trop tard : j’ai bien calculé mon coup.
Vais-je oser réveiller maman avant de partir pour le grand voyage ? Vautrin risque d’arriver d’un moment à l’autre ; alors il faudra que je déguerpisse, que j’aille mourir ailleurs, tout seul dans mon coin, comme un rat empoisonné. S’il a bu, il est même capable de se mettre en colère. Sait-il, lui, qu’on peut en avoir marre de la vie ?
Et je pense aux
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