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L'immature

L'immature

Titel: L'immature
Autoren: Alain Garot
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tout va bien; mais il ne faudrait pas se réveiller. C’est pour cela, moi, que j’ai pris des cachets : je veux dormir toujours. Je ne suis pas allé en classe le lendemain. Et le frère s’est réveillé par terre. Il a encore pleuré longtemps, puis il est reparti en Algérie.
     
    Aujourd’hui, nous sommes sans aucune nouvelle de lui. Même l’armée ne nous dit rien. De toute façon, nous autres les Dindin, nous avons le temps d’attendre. Nous n’avons rien à dire, sinon merci, merci pour tout. Merci pour ce monde et sa belle justice. Amen à ses lois, à ses gloires sanglantes, à ses Napoléon !
    Nous lisons le journal, écoutons la radio, pour les informations. Rien ! Je me dis que, peut-être, Freddy s’est jeté à la mer en regagnant son régiment. C’est en tout cas ce que j’aurais fait à sa place, moi. Ou plutôt non, j’aurais d’abord prévenu maman. Je lui aurais fait une belle grande lettre pour lui expliquer ma fuite et lui dire que je l’aimais. Mais surtout, il n’y aurait pas eu cette attente interminable.
Nous avons bien le samedi soir : soir de prière avec maman. On y croit un peu nous, à l’intervention du tout puissant. Mais les mois passent et cela commence à devenir bien long. Quant à moi, j’ai tout fait pour qu’on me retire de pension. J’ai supplié Vautrin : vainement. Du fait que je travaille assez bien, il s’est mis à voir grand à mon sujet. Une bonne place comme il dit. Pauvre Vautrin ! S’il savait ce que je pense de sa place. Car je l’ai bien prévenu : je me suiciderai ! Il a alors ri, bêtement comme toujours : il ne m’en croit certainement pas capable. Il se figure, lui, parce qu’il est heureux dans son mensonge, que tout le monde est comme lui. La vie d’interne m’est insupportable, je l’ai déjà dit. J’ai toujours peur. Par exemple, quand j’arrive au dortoir, l’angoisse me saisit au point que je songe à mourir. Voyant mon mal-être, les autres me chahutent et cela me fait encore plus mal. Comme j’eus aimé vivre autrefois ! Aujourd’hui il paraît qu’on est plus heureux. Et mon œil ! Depuis que tu es reparti, mon Freddy, il y a en moi comme une idée obsédante qui est que nous nous trompons tous.
Supercherie que la vie !
     
     

LE PROF'
    — Et un, et deux, et trois, et quatre. On recommence ! Tendez bien les bras en arrière !
C’est Jacquot, le prof’ de gym qui hurlait la cadence. Depuis plus d’une heure, nous faisions des mouvements sous le préau du lycée. J’étais donc fatigué. Et puis, je dois le dire, depuis cette aventure du bal des parents d’élèves, je ne me sentais plus tout à fait le même qu’avant. Un choc au cerveau, peut-être ; car j’avais des migraines insupportables au point que je ne retenais quasiment plus rien. Mes notes décroissant s , les profs s’en aperçurent et m’eurent à l’œil. J’en perdis le moral. Sans cesse la nuit tragique me revenait à l’esprit, ainsi que ces paroles, entendues mille fois : « Quelle honte ! Ivre mort, pensez donc, ce gamin ! »
C’est vrai qu’à cause de cela j’avais dû manquer huit jours de classe, et que maman, sur le billet d’excuses avait encore marqué : « angine ». Mais ils ne sont pas fous à l’école. Les bruits courent tellement vite. On en rajoute même un peu, et pas à mon avantage.
Je le vois bien, mon prof de français me regarde de travers et celui de math ne m’envoie plus au tableau. Il n’y a guère que la prof d’allemand qui fait comme si rien ne s’était passé. Mais elle a beau faire : impossible pour moi d’oublier. Je suis visé. De plus, avec la crise de « palu » de Freddy, la pauvre tête de maman et les fiestas de Vautrin, c’est la maison tout entière qui est marquée à vie.
— Et un, et deux, et trois, et quatre …
Certains jeunes s’étant plus ou moins relâchés, Jacquot bondit pour leur botter les fesses.
— Allez, bande de flemmards, dit-il, nous reprenons pour vous le premier mouvement !
Chacun se remet en position allongée, jambes tendues, la paume des mains tournée vers le ciel.
— Tirez bien fort en arrière ! Jacquot est là, maintenant au-dessus de moi ; et je l’observe avec une crainte non dissimulée. Qu’a-t-il donc à me fixer ainsi ? Pour lui faire plaisir, je tire plus fort sur mes bras. Hélas ! Je ne puis tenir le coup bien longtemps. Profitant de cet incident, mes camarades ont tous cessé leurs efforts. Je les entends même
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