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Lettres - Tome II

Lettres - Tome II

Titel: Lettres - Tome II
Autoren: Pline le Jeune
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épaisse à mesure qu’ils avançaient ; déjà même de la pierre ponce et des fragments de rochers que le feu avait fait éclater, noircis et brûlés ; déjà le fond de la mer s’était exhaussé et les éboulements de la montagne obstruaient le rivage. Il eut une courte hésitation, se demandant s’il retournerait en arrière, puis comme le pilote lui conseillait de prendre ce parti : « La fortune, dit-il, aide les braves ; dirige-toi sur l’habitation de Pomponianus. » Il était à Stabies, de l’autre côté du golfe (car le rivage se courbe et rentre légèrement laissant avancer la mer) ; là le péril n’était pas encore proche, mais visible cependant, et, à mesure qu’il grandissait, il se rapprochait ; Pomponianus avait donc transporté ses effets sur des bateaux, décidé à fuir dès que le vent contraire tomberait ; or ce même vent très favorable à mon oncle l’amène au port ; il embrasse Pomponianus tout tremblant, le rassure, l’encourage, et pour apaiser sa frayeur par son propre calme, il se fait porter au bain ; après, il se met à table et dîne plein de gaieté, ou, ce qui n’est pas moins grand, en affectant la gaieté.
    Pendant ce temps, sur plusieurs points du Vésuve on voyait la lueur d’immenses flammes et de gigantesques embrasements, dont l’intensité et l’éclat étaient accrus par les ténèbres de la nuit. Lui allait répétant, pour calmer la frayeur, que c’étaient des feux laissés par les paysans dans leur fuite précipitée, et des villas abandonnées qui brûlaient dans la solitude ; enfin il se livra au repos et dormit d’un sommeil réel, car le bruit de sa respiration, que sa corpulence rendait forte et sonore, était entendu par ceux qui passaient devant sa porte. Cependant la cour par laquelle on entrait dans son appartement, remplie de cendres et de pierres mêlées, s’était exhaussée à tel point que, s’il était resté plus longtemps dans sa chambre, il n’aurait plus pu en sortir. On le réveille, il sort et se joint à Pomponianus et aux autres qui n’avaient pas dormi de la nuit. Ils tiennent conseil ; doivent-ils rester dans les maisons ou errer à découvert ? Car les maisons secouées par de fréquentes et larges oscillations chancelaient et, comme arrachées de leurs fondations, semblaient s’en aller tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, puis revenir à leur place. D’autre part en plein air on craignait la chute des pierres ponces, quoique légères et calcinées ; ce fut cependant ce parti qu’on choisit après comparaison des dangers. Mon oncle se décida d’après la raison la plus forte, les autres d’après la peur la plus vive. Ils mettent des oreillers sur leurs têtes et les attachent avec des linges, pour se protéger contre tout ce qui tombait.
    Ailleurs le jour était déjà venu, là c’était encore la nuit et la nuit la plus noire, la plus épaisse, qu’éclairaient cependant à demi un grand nombre de feux et de lumières de toute sorte. On songea à se rendre au rivage et à voir de près si la mer permettait quelque tentative ; mais elle restait bouleversée et mauvaise. Là on étendit une étoffe sur laquelle mon oncle se coucha, puis il demanda de l’eau fraîche et en but à deux reprises. Des flammes et une odeur de soufre qui en annonçaient l’approche, mettent tout le monde en fuite et forcent mon oncle à se lever. Il se met debout en s’appuyant sur deux esclaves, mais retombe aussitôt. J’imagine que les vapeurs devenues trop denses avaient obstrué sa respiration et l’avaient suffoqué, car il avait la poitrine naturellement délicate, embarrassée et souvent haletante {10} . Quand le jour reparut (c’était le troisième depuis le dernier qui avait lui pour mon oncle), on trouva son corps intact, sans blessure, revêtu des vêtements qu’il portait ce jour là ; son corps étendu donnait l’impression du sommeil plutôt que de la mort.
    Pendant ce temps à Misène ma mère et moi… Mais ceci n’intéresse pas l’histoire et vous n’avez désiré connaître que sa mort. Je m’arrête donc. Je n’ajoute qu’un mot : je vous ai rapporté fidèlement tout ce que j’ai vu moi-même et tout ce que j’ai appris sur le moment, quand les récits ont le plus de chance d’être vrais. À vous d’y puiser selon vos préférences ; car c’est tout autre chose d’écrire une lettre ou une histoire, de s’adresser à un ami ou au public. Adieu.
     
    XVII.
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