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L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
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lèvres.
    —    Dis-moi tout ce que tu sais, insista-t-elle.
    Le jeune homme but une gorgée à son tour et parut rassembler ses idées.
    —    Tout a commencé voilà une dizaine de jours. Un matin, alors que je me rendais chez le sellier pour lui faire réparer un attelage, j’ai entendu un petit cri de surprise. Je suis allé voir de quoi il retournait. J’ai trouvé Isangarda, la fille du tonnelier, près du puits. Elle venait de trouver un oiseau mort dans le seau qu’elle avait remonté. Je l’ai taquinée d’être si peureuse et, pour me prouver le contraire, elle l’a pris et me l’a lancé. Nous avons bien ri. Puis elle a vidé l’eau et en a puisé à nouveau avant de repartir chez elle. Moi, j’ai repris ma route.
    Pour se donner une contenance, il avala une nouvelle gorgée et grimaça alors que l’eau-de-vie lui brûlait la gorge.
    —    Je n’ai plus repensé à cet incident jusqu’à ce que je revoie Isangarda, deux jours plus tard. Elle errait dans le village et ne semblait plus savoir ce qu’elle faisait. Elle suait comme une esclave et avait les yeux hagards. Son visage était couvert de taches sombres et ses bras. Mon Dieu, ses bras.
    —    La maladie se développe très vite, remarqua Pernelle. Personne d’autre n’avait touché cet oiseau ?
    —    Pas que je sache. Pourquoi ?
    —    Il était sans doute porteur de la maladie et cette jeune femme a été la première à l’attraper. Continue, Estève.
    Troublé, le jeune homme fit une pause et se frotta le visage avant de poursuivre son macabre récit.
    —    Ses bras. reprit-il. La chair s’en détachait. La peau de sa main droite pendait comme un gant devenu trop grand. C’était tellement. répugnant. J’ai couru avertir mon père, qui a aussitôt fait mander Faure, le Parfait du village. Dès qu’il l’a vue, celui-ci a ramené Isangarda chez elle et l’a examinée. Puis il est revenu rendre compte à mon père. Il disait n’avoir jamais rien vu de tel et ne savait pas quoi faire. Il a ordonné qu’elle soit tenue à l’écart des autres et s’en est occupé seul. La pauvre est morte le lendemain. Quelques jours plus tard, Faure était malade à son tour. Ensuite, tout s’est passé si vite. Le mal s’est répandu comme des flammes dans un bois sec et les villageois se sont mis à tomber comme des mouches. En une semaine, il ne restait presque personne. Mon père, ma mère, ma sœur. J’ai perdu toute ma famille.
    Il ravala un sanglot et, l’espace d’un instant, il eut l’air de l’enfant qu’il avait à peine cessé d’être.
    —    À part toi, il y a d’autres survivants ? demanda Pernelle, d’une voix où je perçus distinctement de l’espoir.
    —    Quelques-uns, répondit Estève en reniflant bruyamment. Heureusement, car je crois que j’en aurais perdu la raison. Il reste peut-être une quarantaine d’habitants, dont plusieurs malades. Voilà deux semaines, nous étions plus de cent, mais le mal s’est répandu vite.
    —    Où sont-ils, alors ? m’informai-je. Nous n’avons vu que des morts et des agonisants.
    —    Ceux qui restaient ont pris peur et ont fui. Ils croyaient échapper au mal.
    —    Sont-ils partis pour d’autres villages ? se préoccupa Pernelle, d’une voix où perçait l’inquiétude.
    —    Non. Ils se terrent dans les bois, non loin d’ici, répondit Estève, au soulagement évident de mon amie.
    —    Et les croisés ? fis-je enfin.
    D’une main tremblante, le jeune homme saisit son gobelet, le vida d’un trait et s’en versa un second.
    —    Ils sont arrivés voilà deux jours à peine. Ils ne savaient pas dans quel guêpier ils mettaient les pieds !
    —    Combien étaient-ils ?
    —    Seulement quatre. Ils semblaient égarés.
    —    Personne ne les a suivis ?
    —    Pas que je le sache, non. M’est avis qu’ils s’étaient détachés des autres dans l’espoir de piller tranquilles. Mal leur en a pris.
    —    J’en ai trouvé deux morts dans une maison. Qu’est-il advenu des deux autres ?
    —    Je l’ignore. Je ne les ai pas vus depuis hier. C’est pour cette raison que j’ai osé descendre au village pour y chercher quelques provisions. Ils ont dû repartir dès qu’ils ont réalisé où ils avaient mis les pieds.
    —    Auquel cas, ils sont déjà en train de répandre la maladie, dit Pernelle, rageuse. Espérons qu’ils sont morts avant de rencontrer
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