Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Etoffe du Juste

L'Etoffe du Juste

Titel: L'Etoffe du Juste
Autoren: Hervé Gagnon
Vom Netzwerk:
Mais Dieu ne l’avait pas entendue.
    Pernelle remarqua ma macabre fascination et me tira par le bras.
    —    Viens, il est trop tard pour lui. Sa mère l’a déjà contaminé. Regarde son bras.
    Je suivis son regard et discernai une tache noire qui souillait la chair potelée. Je dus me faire violence pour arracher mon regard de l’enfançon qui vagissait désespérément, comme s’il venait de comprendre que nous l’abandonnions et qu’il nous appelait à l’aide.
    Plus loin, nous croisâmes un vieux édenté, allongé par terre, qui leva piteusement la tête à notre approche et tendit vers nous une main suppliante dont la peau se détachait par lambeaux. Partout, les cadavres et les agonisants traînaient au hasard, tombés de faiblesse là où ils se trouvaient. Les râles et les gémissements étaient les seuls sons que nous pouvions entendre. Les oiseaux et les insectes semblaient avoir abandonné cet endroit maudit. Ce silence de mauvais augure me donna froid dans le dos.
    Pernelle me surprit en passant devant les malades que nous croisions sans leur accorder la moindre attention, elle que je n’avais jamais vue hésiter à se dévouer pour les autres.
    —    Tu ne les soignes pas ? m’enquis-je, presque scandalisé.
    —    Je ne peux rien pour eux, répondit-elle avec une froideur et un détachement que je ne lui connaissais pas. Ils respirent encore, mais ils sont déjà morts. Il nous faut plutôt trouver quelqu’un qui pourra répondre à mes questions.
    Nous arpentâmes les quelques rues qui composaient le village, à la recherche d’un interlocuteur qui ne semblait pas exister. En désespoir de cause, nous nous séparâmes pour inspecter les maisons, ouvrant les portes au hasard pour jeter un regard à l’intérieur. Nous n’y trouvâmes que des morts effondrés à table, endormis pour toujours sur leur paillasse ou gisant sur le sol, et quelques malades qui ne valaient guère mieux. Nous les laissâmes tous là où ils étaient, malgré les cris désespérés que certains nous lançaient.
    Je commençais à me lasser de cette macabre ronde lorsque, en ouvrant une nouvelle porte, je fus frappé de plein fouet par la réalité. Adossés au mur du fond gisaient deux cadavres dont l’épaule était ornée de la croix rouge.
    —    Foutre de Dieu ! m’exclamai-je en refermant.
    Sur le coup, j’éprouvai une puissante envie d’étouffer Pernelle, à cause de laquelle nous venions de tomber sur nos ennemis. Je m’en fus la rejoindre et me calmai de mon mieux.
    —    Il y a deux croisés morts là-dedans, l’informai-je en désignant la maison du chef.
    —    Tu en es certain ?
    —    Mais non, j’ai des hallucinations ! rétorquai-je sèchement.
    —    Morts, ils ne sont pas bien dangereux.
    —    Mais qui nous dit qu’il ne s’en trouve pas d’autres, bien vivants ?
    —    S’ils sont vivants, alors ils seront dans le même état que les autres.
    —    Que tu dis, maugréai-je.
    Désormais sur mes gardes, je fis passer le coffre de Pernelle sur ma hanche gauche et dégainai Memento. J’aurais voulu retourner avertir Ugolin, craignant qu’il n’ait été pris par surprise et occis, mais je me raisonnai. Le Minervois savait se défendre. Et puis, de là où nous nous trouvions, le bruit des armes nous serait parvenu.
    Une voix nous fit sursauter.
    —    Partez d’ici pendant qu’il est encore temps !
    Pernelle et moi nous retournâmes à l’unisson pendant que je brandissais mon arme, prêt à occire le nouveau venu. Ma précaution ne fut pas nécessaire car, de l’autre côté de la rue, devant une maison à la porte ouverte, se tenait un tout jeune homme qui fixait sur nous de grands yeux bleus apeurés.
    —    Fous ! Ne voyez-vous pas que la mort est partout ? Allez-vous-en si vous ne voulez pas trépasser, vous aussi ! renchérit-il en indiquant de l’index la direction d’où nous étions venus.
    Il avait à peine seize ou dix-sept ans et, malgré l’effort visible qu’il faisait pour se donner des airs d’autorité, ses grands yeux éperdus trahissaient à quel point il était terrifié. Rassuré par son tourment évident, je remis mon arme au fourreau. Pernelle, elle, parut ravie de le voir. Elle se dirigea calmement vers lui et je lui emboîtai le pas. Elle s’arrêta à quelques pas de lui et l’évalua d’un œil sévère.
    —    Je suis dame. commença-t-elle.
    Sentant que, par mégarde, elle allait
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher