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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier
Autoren: Armand Cabasson
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maladroit. Qu’elles soient vêtues de robes raccommodées à la couleur délavée ou qu’elles arborent une toilette élégante et un chapeau printanier, leur préoccupation était toujours la même : « Dites au caporal Djaczek, du 3 e des Polonais, que Natacha l’embrasse », « Dites au soldat Blachas, de la 12 e artillerie polonaise, que toute la famille l’aime et pense à lui », « Vous savez si Yvan Naskelitch, du 14 e chasseurs polonais, va bien ? »... Partout, des soldats achetaient, pour la plus grande joie des habitants qui semblaient s’être tous convertis en vendeurs ambulants. Ici, c’étaient des saucisses dont l’odeur succulente vous fouaillait l’estomac à jeun, là, des vêtements chauds, des vestes tricotées, des manteaux élimés, mais doublés de fourrure et des toques. Des fantassins, croulant sous les paquets, embrochaient des pains à la queue leu leu sur leurs baïonnettes. Des sergents chargés d’assurer l’ordre contrôlaient les laissez-passer et autres ordres de mission. Quatre fois sur cinq, ils fronçaient les sourcils et se mettaient à crier, mais, inlassablement, on leur faisait les mêmes réponses : « Je me suis perdu, sergent. Savez pas où qu’il est mon régiment ? » Les auberges et l’église étaient les seuls édifices en pierre. Tresno se situait sur une route très fréquentée, d’où cette abondance d’hôtels. Celui de Maroveski était le plus grand. La fenêtre du dernier étage se trouvait encore ouverte. Margont pria pour que les lieux du crime n’aient pas été saccagés par ceux qui avaient emporté le corps. Le vent agita l’enseigne en fer forgé en forme de carafe qui surplombait l’entrée, faisant grincer ses attaches métalliques tandis que Margont pénétrait dans l’établissement.
    Cinq grenadiers jouaient aux cartes autour d’une table. Leur capitaine, à califourchon sur une chaise, contemplait ses hommes en bourrant sa pipe. À peine aperçut-il le Français qu’il se leva pour marcher à sa rencontre. Bref vacarme de chaises déplacées et voilà que tous les grenadiers, alignés, se mettaient à présenter les armes. L’officier italien salua avec raideur. Les deux épaulettes d’officier subalterne de Margont le laissaient perplexe.
    Puisqu’on les forçait, eux, les prestigieux grenadiers de la Garde royale italienne, à attendre quelqu’un, ce quelqu’un devait être un important personnage. Or Margont ne ressemblait pas à un important personnage. L’Italien vérifia son sauf-conduit puis lui posa une question en italien. Margont ne saisit pas grand-chose. Voulait-on obtenir l’autorisation de quitter les lieux après son investigation ? Il opta pour cette hypothèse, misant sur l’envie d’en découdre des soldats de toutes les Gardes existantes.
    — Vous restez ici jusqu’à nouvel ordre, énonça-t-il lentement en désignant les Italiens de l’index avant de pointer le sol.
    Des faces déçues accueillirent ce geste. Plus de campagne glorieuse, plus de batailles sinon avec les cartes.
    — Et je veux que personne ne monte ! ajouta-t-il au pied de l’escalier en agitant les mains pour arrêter une foule imaginaire de curieux.
    Il grimpa quelques marches et se retourna pour déclarer d’une voix qui contenait mal sa colère :
    — Et je serais très heureux que l’on aille me chercher le sergent Lefine, du 84 e .
    — Sergent Lefine ici, répéta un grenadier pour s’assurer qu’il avait bien compris.
    L’hôtel avait été vidé de ses occupants et le silence qui régnait aux étages contrastait avec le tumulte des rues. La porte de la chambre de la victime était grande ouverte. Un loquet situé à l’intérieur avait cédé sous les coups d’épaule de l’aubergiste. Le logement exigu avait été ingénieusement aménagé. Le plafond, très en pente, n’autorisait à se tenir debout que dans la moitié gauche de la pièce. À droite, on ne pouvait être qu’assis ou allongé et c’était donc là que le lit avait été installé. À côté de celui-ci, une malle faisait office de table de nuit. Une inattendue petite bibliothèque occupait un angle. Ainsi, Maria avait eu la chance que ses parents lui apprennent à lire. Il y avait peu de livres sur les rayons, mais leurs pages étaient usées. Au vu des couvertures roses ou pastel et des gravures qui montraient des couples se promenant, on devinait qu’il s’agissait d’ouvrages romantiques, des romans et des recueils
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