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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc
Autoren: Nicolas Remin
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cette phrase. Cependant, elle continuait de n’en avoir aucun.
    — Je ne vais pas me servir de balles à blanc, reprit l’individu.
    Il ramassa son fusil posé par terre, fit basculer le canon et introduisit une cartouche dans la chambre. Alors il dit :
    — Je vais tuer l’empereur.
    Je vais tuer l’empereur. Cette phrase-ci, au moins, pensa Tron, était courte et limpide comme un exemple dans une grammaire latine. Caedam caesarem . Zorzi lui revint à l’esprit, le séminaire patriarcal et les uniformes noirs qui leur donnaient une allure de petits curés. Il se rappela le froid en hiver et les doigts tout bleus de son ancien camarade de classe. Alors, il fixa le tueur.
    — Pour qui travaillez-vous ? Pour Turin ? Pour Garibaldi ?
    L’homme reposa son fusil. Soudain, il eut l’air triste et fatigué, comme quelqu’un qui n’a pas dormi depuis des jours.
    — Ni pour l’un ni pour l’autre, répondit-il. Je commandais une unité spéciale qui poursuivait une troupe de Chemises rouges. À la tombée de la nuit, les rebelles se sont réfugiés dans une maison à proximité de Torre di Benaco. C’est un village sur la rive orientale du lac de Garde, ma région natale. Nous avons cerné le bâtiment.
    Il marqua une courte pause avant de reprendre :
    — Dans cette maison, il y avait une femme et une enfant. C’est pourquoi nous ne l’avons pas prise d’assaut.
    — À quand cela remonte-t-il ?
    — À l’été 59, dit l’homme. Nous avons demandé du renfort à Vérone. Je pensais que face à notre supériorité numérique les Chemises rouges se rendraient. Les renforts arrivèrent à l’aube. Mais le lieutenant a refusé de négocier. La femme et l’enfant ne l’intéressaient pas.
    L’homme se tut et fixa le fusil qu’il tenait toujours dans les mains.
    — Ils ont incendié la maison, reprit-il enfin. Quand les Chemises rouges en sont sortis, les mains en l’air, ils les ont abattus.
    — Et la femme avec son enfant ? demanda le commissaire.
    — Ils les ont également abattues, dit l’inconnu d’un ton placide. Suite à cela, le commandant a été décoré par François-Joseph.
    Tron toussota. La question lui paraissait superflue car il en savait d’avance la réponse, mais il la posa quand-même.
    — Vous connaissiez la femme et l’enfant ?
    L’homme acquiesça sans trahir la moindre émotion.
    — C’étaient mon épouse et ma fille.
    Un silence se fit. Il dura un long moment, jusqu’à ce que, tout à coup, le malefico se mît à sonner, à sonner si fort que les poutres du toit en vibraient. L’homme se retourna sans hâte et monta sur la caisse. Puis il ouvrit la lucarne en grand, épaula son fusil et posa le canon sur le cadre de la fenêtre. Quand le malefico s’arrêta, ses lèvres commencèrent à bouger comme s’il comptait ou récitait une prière.

53
    Au moment où François-Joseph sortit de la pénombre de la basilique, l’impératrice à son bras, des hourras s’élevèrent, d’abord isolés et timides, puis de plus en plus forts. Comme le soleil l’aveuglait, il ne pouvait pas voir la foule, mais il sentait sa présence, percevait ses murmures d’excitation et devinait qu’elle ne lui était pas hostile. En tout cas, il était sûr de faire bella figura . Il portait son uniforme de maréchal, à savoir une veste presque tout entière couverte de médailles étincelantes, un pantalon rouge à galons dorés et un sabre qui l’obligeait à de grandes enjambées compassées pour éviter de se cogner la rotule à chaque pas.
    Derrière lui s’étirait l’habituelle queue de comète, formée des officiers de haut et de très haut rang. Tous portaient leurs uniformes de parade, le soleil qui brillait au sud-ouest faisait luire leurs médailles et resplendir les plumes de leurs casques.
    Pendant qu’il s’approchait de l’estrade, François-Joseph leva le bras à plusieurs reprises pour saluer. Chaque fois, une salve de hourras retentissait, mais à présent, elle sortait de la gorge des soldats de la garde impériale qui s’étaient glissés entre l’entourage du souverain et la foule et formaient un demi-cercle interdit aux spectateurs à l’entrée de la basilique. Eux aussi avaient revêtu leurs uniformes de parade. Ils portaient des tuniques vert foncé aux revers écarlates, des épaulettes en écaille munies de cordons et des casques à pointe ornés de panaches en crin de cheval noir. Devant un tableau aussi grandiose, François-Joseph sentit son
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