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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc
Autoren: Nicolas Remin
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étonnante ! J’ai hâte de faire sa connaissance.
    La princesse jeta un coup d’œil sur sa montre, un médaillon pendu à son cou.
    — À quelle heure dois-tu y aller ?
    — Dans un instant.
    — Je déteste quand tu pars à tes rendez-vous.
    — Rendez-vous est le mot juste, plaisanta Tron. Je vais mener une conversation, arrêter cet individu, et à six heures, je suis de retour. Nous aurons encore bien assez de temps pour nous changer avant le bal.
     
    Vingt minutes plus tard, Tron descendit de gondole dans la calle Vallaresso pour gagner l’aile Napoléon par l’arrière (compte tenu de son uniforme, il préférait ne pas traverser la place Saint-Marc). Venise resplendissait. Un ciel radieux, d’un bleu à la Della Robbia, recouvrait la cité des Doges. Il faisait une chaleur presque estivale. Au bout de quelques pas, il se mit à suer sous son casque recouvert de fourrure. Les bottes d’apparat jaunes, conçues pour monter à cheval, se révélaient elles aussi très inconfortables. Comme le papier journal censé caler ses pieds s’était vite écrasé, il nageait dedans et était obligé de trottiner en se dandinant.
    Malgré tout, il passait inaperçu, tant la cohue était grande. L’intérêt que l’apparition publique de l’empereur suscitait chez les Vénitiens ne manqua pas de le surprendre. Une véritable marée humaine s’engouffrait dans les étroites ruelles menant à la place Saint-Marc. Quand la foule fut bloquée, l’uniforme somptueux des hussards hongrois se révéla même d’une grande utilité : les gens s’écartèrent devant lui avec respect, ce dont il les remercia d’un aimable tapotement de l’index sur la tempe droite.
    Il franchit le premier barrage, situé devant l’aile Napoléon, sans devoir s’arrêter. Le deuxième contrôle, assuré par des chasseurs croates, eut lieu juste à l’entrée du palais royal. Il se limita à un coup d’œil admiratif sur son uniforme, suivi d’un salut militaire et d’un recul servile. Le troisième, dans le vestibule, était confié à un lieutenant des trabans, vêtu d’une veste vert foncé aux revers écarlates et d’un pantalon en daim blanc. Il examina la plume d’autruche au-dessus du casque avec un air de connaisseur. Dès qu’il aperçut la signature de l’impératrice au bas du laissez-passer, il se mit au garde-à-vous et claqua des talons.
    Au pied du grand escalier conduisant à la salle de bal, Tron prit à gauche. Il traversa un deuxième vestibule où plusieurs officiers bavardaient en fumant et arriva dans un long couloir au bout duquel se trouvait l’escalier en colimaçon permettant d’accéder aux combles. Comme le couple impérial était à la basilique avec l’ensemble de sa suite, Tron s’était imaginé que le palais royal serait désert. En réalité, il croisa une foule de laquais, frôla des ordonnances, rencontra un aumônier. Et dans l’escalier, il dut même se pousser à deux reprises pour laisser descendre une domestique portant un panier à linge.
     
    Le commissaire entra dans le grenier du palais royal peu après trois heures de l’après-midi. La porte en haut de l’escalier n’était pas fermée à clé. Néanmoins, il ne se donna pas la peine de l’ouvrir sans bruit. Le tireur pouvait bien l’entendre. Il devait même l’entendre. Tron rabattit la porte derrière lui et resta un instant immobile, le temps que ses yeux s’habituent à l’obscurité. Peu à peu, il distingua l’espace divisé en chambres de bonne par des cloisons en bois. Dans l’une d’elles se trouvaient deux chaises ; dans une deuxième, une commode et un mannequin de tailleur. Toutes les autres étaient vides.
    Le jour provenait de deux lucarnes inclinées. Comme l’air était rempli de minuscules grains de poussière, une bande de lumière sale tombait sur le plancher grossier. Sans doute y avait-il des chauves-souris. En levant les yeux, Tron en reconnut plusieurs grappes accrochées aux chevrons, leurs petites têtes en bas. Il ne put s’empêcher de penser à Bossi qui ne lui ferait jamais croire que ces bestioles se nourrissaient d’insectes et non de sang humain. Il prit à droite et s’arrêta au bout de l’étroit couloir délimité par les cloisons.
    Là, il faisait presque noir. Pourtant, au bout de quelques secondes, il distingua une porte quasi invisible. Alors il ôta son casque, le posa par terre et inspira profondément. Puis il poussa le battant avec précaution. La porte
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