Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande
Autoren: Edouard Brasey
Vom Netzwerk:
titres et les grades. Appelez-moi Alfred, tout simplement.
    Le commandant enfouit son visage dans les paumes de Rozenn et les baisa avec fougue.
    Elle se laissa faire.

50
    Vendredi 10 décembre 1943
    Le lendemain à l’aube, le vendredi 10 décembre 1943, Maurice Guillaudot, alias Yodi, commandant de la gendarmerie de Vannes et chef de l’Armée secrète pour le Morbihan, fut arrêté à son domicile par des soldats S.S. et transféré à la prison de Rennes où il fut longuement torturé. Mais il ne livra aucune information à ses bourreaux.

    Au même moment, un important dispositif de soldats allemands fut déployé dans la forêt de Brocéliande, dans le secteur du Val-sans-Retour. Armés de mitraillettes, accompagnés de chiens-loups dressés à l’attaque, les hommes bottés et casqués exploraient chaque bouquet d’arbres, chaque taillis, chaque amoncellement de roches sans laisser de côté un seul pouce de terrain.
    Avant même de percevoir les abois enragés des chiens, les maquisards du Val-sans-Retour avaient été alertés par les craillements insistant d’une corneille. Ils reconnurent aussitôt le signal convenu avec l’abbé Guilloux en cas d’extrême danger. Cela signifiait que leur repaire était découvert. Il leur fallait s’enfuir à l’instant, en abandonnant derrière eux leurs paquetages. Pour éviter d’être repérés, ils se disperseraient et tenteraient leur chance chacun de leur côté ens’égaillant dans la forêt de Brocéliande où ils étaient nés et qu’ils connaissaient mieux que les Allemands. Dès qu’ils le pourraient, ils rejoindraient le maquis Saint-Marcel d’Émile Guimard.
    Lorsque les Allemands trouvèrent le campement des maquisards, celui-ci était vide. Ils y boutèrent le feu, et les flammes qui s’élevèrent alors se reflétèrent dans le Miroir-aux-Fées comme si celui-ci avait pris feu, sous l’effet d’une malédiction lancée par la noire Morgane.

    À la même heure, Gwenn retrouvait Dahud devant le lavoir de Concoret pour s’enfoncer avec elle au cœur de la forêt, jusqu’à cette fontaine de Barenton où elle espérait enfin découvrir la vérité au sujet de ses parents. L’heure bleue s’achevait, et un gros corbeau traversa le ciel pâle avec un croassement hideux.
    Mais Gwenn négligea l’intersigne et suivit la lavandière de deuil.

51
    La forêt, en cet automne finissant, s’encoconnait déjà dans sa parure d’hiver et de brumes. L’air était chargé d’humus et d’effluves de champignon. Les pierres mangées de mousse grimaçaient comme des faces de nains ou de korrigans surpris par l’aube naissante. Les marécages déversaient leurs humeurs pestilentielles dans les landes hérissées de ronces. Les chênes dégarnis, les hêtres esseulés et les charmes décharmés servaient de perchoirs aux corneilles. Seuls les pins avaient conservé leurs houppelandes vertes vernissées de rosée. Mais leurs écorces brunes semblaient des épidermes desséchés de pendus.
    Deux silhouettes avançaient dans ce paysage sournois, rempli de présences inhospitalières et chargé de mystères indéfinissables. On était encore entre chien et loup, à cette heure échappée du monde des rêves et des cauchemars où les chênaies sont des armées de soldats prêtes à charger, où les troncs abattus sont des guerriers morts, où les mares schisteuses sont des flaques de sang. La forêt à peine éveillée des ténèbres de l’hiver jetait à pleines brassées ses sortilèges.
    Gwenn suivait Dahud dans ce pèlerinage obscur. Elle connaissait Brocéliande sous toutes ses formes, tous ses visages, tous ses aspects, pour l’avoir si souvent parcourue, seule ou bien en compagnie de Yann. Mais Dahud, malgré son âge, paraissait la connaître mieux encore, et franchissaitles taillis et halliers sans marquer la moindre hésitation. Cette randonnée, elle l’avait accomplie près de trente ans plus tôt, mais elle était demeurée à jamais gravée dans sa mémoire et dans son corps.
    – Fais attention où tu mets tes sabots, lança Dahud sans un regard en arrière. L’eau, c’est traître par ici. Faudrait pas glisser dans un marouillage 1 et patouiller 2 dans l’bouillon. On en r’sortirait toutes branées 3 et même pis.
    Avec la terre, les bois et les pierres, l’eau était le quatrième élément de la forêt de Brocéliande, dont l’antique nom de Brécilien signifiait « la colline aux marécages ». Elle parcourait en tous
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher