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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande
Autoren: Edouard Brasey
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C’est incompréhensible… En tout cas, ce pauvre Philippe en a été bien puni.
    – Ce n’est pas assez. Sa mort ne me rendra pas ce qu’il m’a volé.
    Le major posa une main sur le genou de la jeune fille dont il sentait la poitrine frémir de colère rentrée.
    – Et que vous a-t-il volé, mon enfant ?
    Rozenn éclata d’une rage froide.
    – Il m’a volé mes rêves, mon innocence, mon honneur… Je me voyais déjà châtelaine, régnant sur les bois de Brocéliande comme la fée Viviane. Aux côtés d’un époux noble et loyal, aimant et généreux, et d’un enfant que j’aurais élevé comme Viviane a élevé Lancelot…
    – Et… cet enfant ? questionna prudemment Alfred Ernst en accentuant la pression de sa main.
    – Je l’ai perdu, comme j’ai perdu le père, répondit Rozenn sans se formaliser du geste du major. À présent, me voici bafouée, humiliée, déshonorée. Mon père me forcera à épouser le premier bon bourgeois un peu niais qui voudra bien accepter la main et la dot d’une femme veuve avant même d’avoir été mariée. Une femme qui ne sera même plus vierge…
    Le major réfléchit un instant, sa main toujours pressée sur le genou de la jeune fille.
    – Je compatis à vos malheurs, mademoiselle, et me sens flatté que vous ayez songé à vous confier à moi. Que puis-je faire pour vous ?
    Rozenn tourna son regard vers le major. Elle était droite et hiératique comme une statue tragique.
    – C’est moi qui peux faire quelque chose pour vous… J’ai quelque chose à vous offrir.
    L’officier parut surpris.
    – Quelque chose à m’offrir ? Ma foi, c’est bien aimable à vous. Mais il me semble qu’au vu des circonstances actuelles, c’est plutôt moi qui suis en mesure de vous…
    – Si je vous révèle certaines informations confidentielles, m’assurerez-vous de votre protection, monsieur le major ?
    L’Allemand l’observa un instant de son regard de sphinx.
    – Je vous aurais offert cette protection sans contrepartie, mademoiselle. Les Allemands aussi ont le sens de l’honneur.
    – Disons alors qu’il s’agit d’un gage de la sincérité de ma démarche et de la confiance que je place en vous. Car si l’on apprend que je vous ai parlé, ma vie sera en danger.
    L’officier marqua encore une pause avant de poursuivre :
    – Et de quelle protection avez-vous besoin, Rozenn ?
    – Gardez-moi près de vous.
    Elle avait parlé d’un trait, sans hésitation, sans même une rougeur aux joues. Alfred Ernst la scruta de nouveau :
    – Vous remplaceriez Lancelot par Tannhäuser ?
    – Je ne veux plus de cette existence faite de soumission et d’humiliation que je menais au château et que me réserve mon père. Je veux prendre ma revanche et vivre enfin la vie dont j’ai toujours rêvé. Si mon château n’est plus à Brocéliande, eh bien il sera à Berlin.
    – Je suis originaire de Saxe, précisa le major en souriant.
    – Ce sera toujours mieux que Mauron ! lâcha-t-elle d’un ton grinçant. Alors, puis-je compter sur votre appui, monsieur le major ?
    Le commandant resserra son étreinte.
    – Je vous en donne ma parole d’officier. À présent, à vous d’honorer votre partie du pacte. Qu’avez-vous à m’offrir ?
    – L’identité de Yodi, le chef secret de l’Armée secrète du Morbihan et le lieu où se terrent les terroristes de Concoret, notamment ce Loïc Le Masle recherché par la police allemande.
    Le major ne put réprimer un sifflement d’admiration.
    – Et d’où tenez-vous ces informations, ma chère âme ? Des informations que les S.S. ne sont pas parvenus à obtenir en plusieurs mois d’enquête…
    – Secret de femme, répondit Rozenn d’un air bravache.
    Le major prit encore le temps de jauger cette petite oie bretonne qui, en un peu plus d’un mois, était en effet devenue une vraie femme, avec toute la ruse et la rouerie que cela impliquait.
    – Je respecterai votre silence, Rozenn. Et je vous remercie pour la confiance que vous venez de me témoigner. J’espère au moins que vous êtes sûre de vous…
    – On ne peut plus sûre…
    – Dans ce cas, je vous écoute. Ensuite, j’aurai un coup de fil à donner à mes collègues de la S.S. Et puis après… Seriez-vous prête à me donner… un autre gage de votre dévouement ? Un gage plus… intime ?
    – J’y suis prête, monsieur le major, répliqua la jeune fille sans ciller.
    – Voyons, Rozenn. Laissons de côté les
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