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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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reprendre possession des établissements français dans les Indes. Son vieil ami, Jacques Bergeret, remplissait une mission semblable aux Antilles. Une troisième division, menée par la Méduse, allait cingler vers le Sénégal. « Si abaissée soit-elle, la France reste encore capable de montrer aux Anglais son pavillon dans nos lointains comptoirs. Même si ce ne sont pas les couleurs nationales, on se sent un peu moins humilié.
    — Oui, tu as raison, cela réconforte », dit Claude.
    Bientôt, Lise lui annonça l’heureuse délivrance de leur fille. Claire avait mis au monde un garçon. « Un poupon magnifique, avec les yeux de sa mère et les cheveux de son père, écrivait Lise. Tout le monde nage dans la joie ; toi seul manques, au bonheur complet, mais on t’amènera notre petit Jean-Claude dès qu’il sera en âge de voyager… Cependant, mon cher ami, j’ai hâte de te rejoindre. Je remonterai en voiture samedi prochain, Thérèse m’accompagnera, nous laisserons la maison à Margot pour l’été…»
    Claude alla au-devant de sa femme jusqu’à Mons, où il tomba sur Barère. Fort inutilement dissimulé sous le nom de Roque-feuille, il persistait à demeurer dans cette petite ville, avec sa « gouvernante », Marguerite Lefauconnier, en réalité sa maîtresse depuis longtemps. « Pourquoi ne vas-tu pas à Bruxelles, comme nous tous ? lui demanda Claude.
    — Plus tard. J’irai plus tard, quand je m’estimerai en sécurité.
    — Tu l’es parfaitement », répliqua Claude sans insister. Il gardait un vague attachement pour Barère, à cause de tout ce qu’ils avaient vécu ensemble au pavillon de l’Égalité, mais il ne l’estimait, ne l’aimait toujours pas.
    Bernard, Claudine et leurs enfants vinrent passer le mois d’août. Retrouver là Babet n’étonna pas « monsieur le comte », comme elle le qualifia en accompagnant sa révérence d’un sourire amusé. De sa part, rien ne pouvait le surprendre. Même sa transformation physique ne le déconcerta point, car il se rappelait la « maman Sage » et sa débordante maturité. À quarante-cinq ans, Babet, brune de nouveau, le teint laiteux, les yeux verts conservant leur éclat, n’évoquait cependant plus par ses formes la serpentine adolescente du faubourg Manigne et du Tonneau du Naveix. C’était une opulente déesse. « Si je pratiquais encore les planches, j’en serais à jouer les Junon », disait-elle avec sa façon de se moquer d’elle-même. Elle avait un fils de quatre ans et se montrait excellente mère. « Il n’y a pas de monsieur le comte, lui répondit Bernard. Je serais heureux que nous continuions à nous tutoyer comme nous l’avons toujours fait. Et, ma chère, je t’embrasserai de bon cœur, si ton époux le permet. Monsieur, vous le savez certainement, votre femme et moi nous sommes élevés ensemble. Rien n’efface une amitié d’enfance. »
    Claudine ne s’y trompa point. « À d’autres ! dit-elle, tête à tête avec son mari. Telle que j’imagine cette personne quand elle avait vingt-cinq ou vingt-sept ans de moins, vous ne vous êtes pas bornés à l’amitié.
    — Ma foi, je ne veux rien te cacher.
    — Et tu étais en même temps amoureux de ma tante ! Eh bien, monsieur le maréchal, quel Lovelace !
    — Je ne vous connaissais pas alors, madame la comtesse. Depuis le jour où tu m’es apparue…
    — Oui, oui. N’empêche ! je vous tiendrai à l’œil, ta Babet et toi, pour le cas où vous seriez pris d’un revenez-y.
    — Parbleu ! s’exclama-t-il en riant, tu me donnes là une idée que je n’aurais certes pas eue. Mais hélas je t’ai juré fidélité, et je ne manque jamais à mes serments. Néanmoins, tu as été imprudente.
    — Non, mon ami, car je te connais bien, répliqua-t-elle avec tendresse. J’ai voulu plaisanter pour te distraire parce que je te sens triste, au fond de toi.
    — Il est vrai. La vue de Babet m’a rappelé son frère, ce pauvre Sage, et aussi Malinvaud. »
    Jean Sage, devenu capitaine, et Malinvaud général de brigade, avaient péri tous deux en mai 1809, à Essling, celui-là le premier jour de la bataille, celui-ci le second, au temps où le maréchal Delmay restait inemployé. Il ne pensait jamais sans chagrin à cette double perte : Malinvaud, Sage, ses amis des jours joyeux, à Limoges, ses compagnons du bataillon des volontaires, de Valmy, de Jemmapes, de la campagne d’Alsace, de Fleurus !…
    Pour les bannis –
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