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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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reste, accepté aucune faveur. « Je suis solidaire de mes anciens compagnons, dit-il, je dois partager leur sort. » Jean Dubon l’approuvait. Toute la famille n’en était pas moins dans l’affliction. « Allons, allons ! dit Claude, ne nous frappons pas. À un moment ou un autre, Louis XVIII devra casser la Chambre ; elle rendrait impossible tout gouvernement. Cela changera bien des choses. » Lise et lui pensaient, comme Sieyès et la plupart des proscrits, s’établir à Bruxelles, où se trouvait déjà Thibaudeau. « Si on nous laisse là, nous ne serons guère éloignés de vous. Bruxelles est moitié moins loin de Paris que Limoges ; vous viendrez nous voir. »
    Mais le roi des Pays-Bas accueillerait-il tous ces révolutionnaires en Belgique où fermentait encore le souvenir de la Révolution ? Et le cabinet français tolérerait-il leur séjour si près de la frontière ? L’avenir paraissait fort douteux, imprévisible même à beaucoup d’égards. Tout en affichant un bel optimisme pour soutenir le courage des femmes, surtout de Claire, fragile dans sa grossesse, et très affectée, Claude ne se dissimulait pas qu’il allait avec Lise courir bien des hasards. Il supportait mal d’être injustement puni ; en signant l’Acte additionnel, n’avait-il pas considéré l’article 67 comme une simple clause de style, sans importance et qui n’empêcherait en aucune façon le retour éventuel de Louis XVIII ! Outre le chagrin de quitter les siens, sa demeure, ses amis, il lui coûtait d’abandonner sa profession, son milieu, ce barreau où il s’était élevé aux premières places. Mais il cachait avec soin ces sentiments. Il liquida son cabinet, transmit à son confrère Dupin les affaires en cours et les archives.
    Tout d’abord, Thérèse avait résolu de suivre sa sœur ; on jugea finalement plus sage qu’elle restât pour le moment rue des Victoires. L’hôtel appartenant à Claire, ne pouvait être confisqué. Thérèse garderait la maison ouverte. Il semblait à Lise et à Claude que, la vie familiale et mondaine continuant chez eux, ils ressentiraient moins l’impression de bannissement. D’ailleurs, si les choses prenaient en Belgique la tournure espérée, Lise reviendrait dans deux mois au plus tard passer quelque temps à Paris, pour les couches de sa fille. On déciderait alors.
    Claude alla faire ses adieux à Grégoire. N’ayant pas voté la mort de Louis XVI, ni rempli de fonctions pendant les Cent-Jours, ni accepté l’Acte additionnel, l’ex-évêque n’offrait aucune prise aux ultras. On avait cependant réussi à frapper l’auteur de la fameuse phrase : L’histoire des rois est le martyrologe des nations, en lui supprimant les vingt-quatre mille francs de pension qu’il touchait jusqu’en juillet 1815 comme ancien sénateur. Vendant sa bibliothèque pour vivre, il s’était retiré à Auteuil où il subsistait chichement, avec une résignation toute chrétienne.
    Le 18 janvier, Lise et Claude, emmenant Gay-Vernon, partirent dans leur propre berline attelée de chevaux de poste. Avec un poignant regret, Claude regardait ces rues jalonnées par tant de souvenirs, ce Paris pour lequel il avait passé des nuits de garde dans le froid, dans la neige, et combattu comme un vrai soldat. En franchissant la rotonde de la Villette, il ne put se retenir de murmurer : « Tout de même !… Tout de même !…
    — Eh oui ! » soupira Gay-Vernon.
    Par Valenciennes, Mons, Braine-le-Comte, ils atteignirent rapidement Bruxelles. Merlin de Douai, Cambon, David, Berlier étaient déjà là, et Vadier que Claude n’avait pas revu depuis vingt ans. Chaque jour amenait son contingent de proscrits. Sieyès arriva le 22. Les derniers furent Cambacérès et Ramel, Ramel de Nogaret, ancien membre du premier Comité de Salut public, ministre des Finances sous le Directoire. Seul, Tallien ne vint pas, son très précaire état de santé lui avait valu l’autorisation de rester à Paris. Certains, comme Brival, ne demeurèrent point. Le malheureux Brival, destitué de son siège à la Cour d’appel de Limoges, en juillet, puis atteint par « l’anti-loi », semblait complètement égaré. « Nous n’irons jamais assez loin, répétait-il. Ils nous frapperont encore, ils nous frapperont toujours. » Il poursuivit sa route vers l’Allemagne où il devait mourir, fou, à Constance. Carnot avait quitté la Belgique dès novembre, il séjournait à Varsovie ;
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