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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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Fouché, à Dresde, dépouillé de son titre d’ambassadeur. Barère, Jean de Bry résidaient à Mons. Des premiers exilés, il ne restait à Bruxelles que Thibaudeau, Arnault, Garnier, Le Pelletier. L’ensemble des proscrits n’en formait pas moins une colonie importante ; on pouvait craindre que les gouvernements, français ou orangiste, ne voulussent la disperser. Aussi Claude et Lise avaient-ils, dans l’attente, pris pension à l’hôtel où ils étaient descendus, rue de l’Empereur. Là également logeaient Sieyès et Cambacérès avec son secrétaire Lavollée. Mais très vite la surveillance exercée d’abord sur les nouveaux venus cessa. Il apparut qu’ils ne seraient pas inquiétés. Chacun songea donc à organiser son existence.
    Sieyès, âgé de soixante-huit ans, n’espérait pas rentrer jamais en France. Il acheta une maison dans la tranquille rue de l’Orangerie, appela auprès de lui son neveu, officier démissionnaire en août, et sa nièce, et reprit avec eux la vie paisible qu’il menait à Paris avant les convulsions de 1814 et de 1815. Claude, pour sa part, se borna simplement à louer, rue de la Blanchisserie, un vaste pavillon dépendant d’un hôtel particulier dont le propriétaire – un gros brasseur d’affaires – était le mari d’une actrice française autrefois célèbre : M lle  Sage. Sous le Directoire, le Consulat, dans la première moitié de l’Empire, Lise et Claude l’avaient souvent applaudie au Théâtre-Français, dénommé alors Odéon. Elle les accueillit en personne dans le pavillon, tout meublé, s’entendit avec Lise pour le linge, poussa même la complaisance jusqu’à proposer à ses hôtes de leur procurer des domestiques.
    « Votre extrême amabilité, madame, lui dit Lise, m’encourage à vous poser une question. Comment se fait-il que vous ayez brusquement disparu des scènes parisiennes ? J’espère n’être pas indiscrète.
    — Pas le moins du monde. Une querelle avec M lle  Duchesnois et, sur un coup de tête je suis partie pour Moscou après la paix de Tilsitt. Les Russes réclamaient des comédiens français. Je suis restée là-bas trop longtemps, car il m’a fallu en revenir avec la Grande Armée. J’aurais infailliblement péri dans cette épouvantable retraite sans les secours d’un des intendants du comte Daru. Il m’a ramenée saine et sauve ici, où je l’ai épousé. Mais savez-vous, madame, que vous me connaissiez bien avant mes succès au théâtre ?
    — Vraiment ! s’exclama Lise, étonnée. Depuis quand cela ? » L’ex-comédienne la regardait d’un air sympathique et rieur.
    « Depuis le jour de votre mariage. Je suis allée à Thias, vous coiffer pour cette cérémonie, souvenez-vous.
    — Par exemple ! vous seriez…
    — Babet Sage, alors la coiffeuse de votre sœur, l’amie du futur maréchal Delmay quand il travaillait à côté de chez moi, faubourg Manigne.
    — Babet ! Par exemple, par exemple ! J’ai été si jalouse de vous !… Ah ! quels souvenirs !… Notre jeunesse ! Et quelle coïncidence de nous retrouver, vingt-cinq ans – non, vingt-sept ans – plus tard, si loin de Limoges ! Embrassons-nous, ma chère. »
    Claude n’y comprenait rien. Il ignorait que la célèbre M lle  Sage fût sa compatriote limousine ; il n’avait jamais rien su des amours de Bernard avec elle, et ne se doutait pas qu’il lui devait en grande partie d’avoir pu reconquérir sa femme. En effet, sans ce très physique dérivatif à sa passion pour Lise, Bernard n’eût certainement pas été si réservé envers elle, à Limoges et à Thias, au temps des États généraux, de la Grande Peur.
    « Eh bien, dit Lise, vous aurez l’occasion de le revoir, notre Bernard. Il ne manquera pas de nous visiter. Je ne l’aviserai pas. Il faut lui laisser la surprise. »
    Antoine accourut le premier, confirmant les nouvelles déjà reçues par correspondance : à Limoges chacun se portait bien, la Manufacture rallumait tous ses fours, Juliette était toujours plus charmante ; à Paris la grossesse de Claire se développait sans accident et le terme approchait. Au bout de trois semaines, le jeune homme repartit avec sa mère. Gabrielle et Jean Dubon arrivaient pour tenir compagnie à Claude. Fernand avait obtenu le commandement d’une division – bien modeste : une frégate, deux corvettes, deux bricks, « mais tu sais comment il est ; peu lui importe, pourvu qu’il navigue » – destinée à
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