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Les hommes perdus

Les hommes perdus

Titel: Les hommes perdus
Autoren: Robert Margerit
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de Cambacérès, avec Ramel pour trésorier ; elle fournissait à tous les déshérités de quoi vivre dignement.
    Claude ne s’ennuyait pas, à proprement parler ; il entretenait une importante correspondance avec les siens et ses amis, Grégoire, Garat, retiré à Bayonne, Rœderer, privé de toutes ses fonctions, Réal, installé au Canada, Fouché, maintenant à Prague où Thibaudeau se disposait à le rejoindre – au vif regret de Lise qui perdait en M me  Thibaudeau une très agréable compagne –, enfin avec d’anciens confrères et Dupin au sujet des affaires laissées en cours. De plus, les visites familiales se succédaient presque constamment. En mai, tous les Caillot lui avaient amené son petit-fils âgé de treize mois. Et si les relations avec Sieyès, de plus en plus retiré, souffrant, devenaient un peu mornes, en revanche le spirituel et disert Ramel, l’exubérant Cambon mettaient, l’un du charme, l’autre de la gaieté dans l’existence. Cambon était impayable. Non seulement, comme Claude, il tutoyait Cambacérès, mais il l’appelait citoyen. Et l’ex-duc de Parme, qui aimait bien son compatriote montpelliérain, se laissait faire sans rien perdre de sa majesté. Une fois où Ramel s’adressait, selon son habitude, à Cambacérès en ces termes : « Votre Altesse a-t-Elle…
    — Que diable dis-tu là, mon cher Ramel, avec ton Altesse ! se récria Cambon. Nous sommes la Convention nationale. Il n’y a point d’Altesse à la Convention. »
    Néanmoins, en dépit de ces compagnies et de ces occupations, deux nostalgies croissaient en Claude : celle de Paris, celle de son métier, au reste liées l’une à l’autre. De plus en plus, Paris, ses rues, ses places, ses quais, ses ponts, ses foules si vivantes, lui manquaient, et la vie de Paris, les relations, le salon de la rue des Victoires, les maisons amies, le Palais, les Pas-Perdus, les galeries, les Chambres, centre de son existence depuis vingt ans. Il lui fallait la diversité des clients, des affaires, ce renouvellement continuel. Il éprouvait le besoin d’exposer, de convaincre, de défendre. Son esprit, entraîné à débrouiller une cause, à dégager les points d’argumentation, à rechercher dans la jurisprudence de quoi les étayer, à bâtir enfin la charpente d’une plaidoirie, refusait l’oisiveté. La correspondance, les lectures ne lui suffisaient pas, ni même les notes que Claude s’était mis à jeter sur le papier, au fil de ses souvenirs, pour écrire peut-être, un jour, ses Mémoires.
    L’automne de 1817, l’hiver, le début du printemps de 1818 passèrent encore. Lavollée, toujours à Paris, et Bernard annonçaient pour très prochaine une mesure en faveur d’un certain nombre d’exilés. Brusquement, un soir de mai, Bernard, courant la poste comme en sa jeunesse, arriva tout joyeux. « Ça y est ! s’écria-t-il, embrassant Claude et Lise, vous rentrez à Paris, je viens vous chercher. Decazes m’a montré l’ordonnance qu’il allait faire signer au roi, et j’ai pris les devants. Voilà ton laisser-passer. Tu es rappelé, avec Cambacérès, Arnault et huit autres. À mon grand regret, notre bon Gay-Vernon ne figure point parmi ceux-ci. Ni son frère, le général, ni moi n’avons pu l’obtenir. Cependant il y aura bientôt d’autres rappels, plus nombreux. »
    Sieyès non plus ne se trouvait pas sur la liste. Claude ressentait autant de gêne que de tristesse à la perspective d’abandonner de si anciens compagnons. Mais, le lendemain, Sieyès lui dit : « Mon ami, ces sentiments sont bien naturels de ta part, néanmoins tu ne dois pas t’y attarder. Nous sommes des fantômes ; toi, tu as des enfants, ton absence leur pèse ; pense à eux, et tu penseras parfois à nous qui te comprenons fort bien, qui te conserverons toute notre affection. D’ailleurs, pourquoi resterais-tu ici, inutile, quand tu peux reprendre ta noble profession d’avocat, ajouter par ta réputation à l’illustration de notre pays ?…»
    Claude ne songeait pas à sa réputation ; il croyait devoir sa grâce – car ce n’était rien d’autre – aux sollicitations de Bernard. Celui-ci le détrompa. « Sans doute ai-je souvent parlé au roi, à Decazes ; n’empêche qu’à l’instigation de Dupin, plusieurs de tes confrères, le bâtonnier, de hauts magistrats, sont également intervenus pour demander le rappel “d’une gloire du barreau”, mon cher. Tel est le mot employé dans leur
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