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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I
Autoren: Max Gallo
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d’être allé trop loin.
    Tina m’a dit avec beaucoup d’indifférence – ce sont exactement ses paroles – « Allen, savez-vous que je suis venue ici pour avoir un enfant de vous ? Je suis sûre d’être enceinte, c’est fou mais c’est ainsi, j’en suis sûre. Ce sera un garçon. Je l’appellerai Jorge, à l’espagnole, en souvenir de Barcelone. » Elle riait. « Vous le reconnaîtrez Allen, n’est-ce pas ? » « Une chance sur mille, ai-je répondu, que vous soyez…»
    Elle paraissait si persuadée que j’ai commencé à m’en convaincre aussi. Raison sans doute pour laquelle je ne l’ai pas retenue, pas suivie. Bien des regrets à ce jour.
    Paris, 13 novembre 1937 , 4   heures du matin.
    Un silence de près de cinq mois.
    Et brutalement cette nuit la rupture du sol sous mes pas. Le grondement. Il me semble que j’entends rouler les vagues grises du raz de marée.
    Mais je veux écrire, raconter pour atteindre le calme, sortir de l’œil du typhon.
    D’abord les coïncidences, liées une nouvelle fois à ce père jésuite Giulio Bertolini, dont je suis sûr qu’il était sur les quais de San Francisco le jour de la mort de Jim. Je n’ai évidemment jamais eu la preuve de ce que j’ai pressenti à mon retour de Chine mais après les événements de cette nuit, je ne peux plus douter.
    Dès mon arrivée à Paris, il y a une dizaine de jours (le 3 novembre exactement), j’ai été interviewé par un journaliste de Paris-Soir. L’une de ces interviews stupides auxquelles je ne réussis pas à me soustraire : Beverly il est vrai a insisté. Mon Village espagnol, sort en traduction française dans quelques jours et j’ai cédé aux arguments commerciaux de Beverly qui représente Malcolm à Paris. Je ne le regrette pas. J’avais ma photo à la une de Paris-Soir : « Gallway, le célèbre écrivain américain, raconte dans un livre brûlant ce qu’il a vu à Barcelone. » Je recopie le titre. Le lendemain coup de téléphone de l’ambassade, puis de Beverly. Invitation à dîner pour le 12 novembre chez Serge Cordelier rencontré à Barcelone. Important, etc., utile, intéressant. Je cède. Appartement quai de Béthune. Je reconnais Cordelier, moins compassé qu’à Barcelone, quelques amis. Deux diplomates, une journaliste, Maud Kaufman, qui rentre d’Espagne et Sarah Berelovitz.
    Rarement vu une femme aussi émouvante. Belle n’est pas le mot, mais une sorte de composition entre la fragilité et la détermination. Elle m’a fait penser à certains personnages secondaires des toiles du Greco. Elle boite encore. Elle a été blessée à Barcelone. Je pose la question : bombardement ? Elle a souri. « Pas tout à fait », m’a-t-elle dit. Je n’ai rien su de plus.
    Si je reconstitue cette soirée, c’est qu’à chaque instant j’y ai été sur le qui-vive. Dieu sait pourtant qu’habituellement je succombe à la somnolence à neuf heures du soir ! Je me suis étonné de ma lucidité. J’étais aux aguets et je reconnaissais cette fébrilité tendue que j’avais eue durant les semaines de front à Teruel.
    Pourquoi ai-je été ainsi en éveil dès mon entrée dans cet appartement ? Peut-être parce que le souvenir de Cordelier était lié pour moi à Barcelone, à Tina, plus revue depuis lors. Disparue. Europe ? États-Unis ?
    Quand Cordelier m’a serré la main, j’ai pensé : ce soir je vais savoir. Presque aussitôt, Cordelier a commencé à me parler des événements de Chine. La chute de Shanghai aux mains des Japonais semble beaucoup impressionner le ministère des Affaires étrangères français, de même que la signature du pacte anti-komintern entre Japonais, Allemands et Italiens. « Nous sommes, à l’échelle du monde, pris en tenailles », m’a expliqué Cordelier. Il craint pour l’Indochine française, l’Inde anglaise, le caoutchouc, le riz. J’avoue ne pas avoir suivi avec beaucoup d’attention son raisonnement. Je suis tellement convaincu que nous allons d’un pas rapide à une guerre mondiale opposant les dictatures aux démocraties que les étapes m’ennuient. Plus vite nous serons entrés dans le conflit, et plus vite nous affronterons les vrais problèmes. J’ai repensé à Tina Deutcher. Il y a cinq mois, elle évoquait déjà ce que je ne découvre que depuis peu.
    À l’instant précis où je me souvenais des propos de Tina Deutcher, Sarah Berelovitz m’a demandé si j’étais marié et si j’avais des enfants.
    J’ai
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