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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II
Autoren: Max Gallo
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janvier 1940, pressentait qu’il venait de franchir un seuil. Peut-être était-ce l’instant ultime, celui où l’homme sort du labyrinthe, mesure enfin le chemin qu’il a parcouru et vit le moment où tout se rassemble.
    Tout à coup, Dolorès Clerkwood pensa à Giulio Bertolini, à son visage, à cette douceur inquiète qu’il avait quand il venait vers elle dans le cloître du couvent de La Paz, aux phrases qu’il commençait et dont elle devinait, sans en comprendre le sens – elle avait à peine cinq ans alors – qu’elles étaient chargées d’amour pour elle ; ses lettres plus tard, découvertes chez les Cordelier, à Paris, et dans lesquelles il parlait de l’avenir de sa petite Dolorès ; Lucia Cordelier – la sœur de Giulio Bertolini – qui racontait :
    « … Giulio, si grave, il m’impressionnait aussi, j’étais une enfant espiègle, capricieuse, mais avec lui, je le regrettais aussitôt, il prenait déjà tout à cœur. Il est bon, Giulio. Vous savez qu’il n’a jamais vu Serge mais j’ai toujours senti, chaque fois qu’il m’écrit, qu’il pense à mon fils, avec une force qui protège Serge. Il prie pour nous, pour vous aussi, vous êtes comme sa fille, presque ma nièce Dolorès. Vous faites partie de notre famille… »
    Le souvenir de Giulio Bertolini comme un éclat brillant et rouge dans la poitrine de Dolorès. Elle fit un effort pour écouter Ralph, un jeune lieutenant de la Royal Air Force, un partenaire de tennis de Julia qui était amoureux d’elle, bien sûr ; Dolorès souriait à Ralph, hochait la tête – Ralph parlait de sa famille, de son père Sir George Scott, ambassadeur à Moscou :
    « … Vous avez été à Moscou, n’est-ce pas ? Votre mari… »
    « … James n’était que premier conseiller », répondait Dolorès.
    Elle cherchait Julia, l’apercevait devant l’embrasure d’une fenêtre. Un moment de bonheur pour Dolorès, Julia plus que belle, forte, les cheveux noirs et la peau mate d’une Indienne mais les yeux et le corps élancé des Clerkwood, si bien qu’il y a un peu plus d’un an, quand James Clerkwood avait été nommé à l’ambassade américaine à Londres, tous les squales du corps diplomatique avaient commencé à frôler Julia, « Mademoiselle Clerkwood, jamais les États-Unis n’ont eu meilleur représentant, votre père… »
    Dolorès, d’abord affolée, s’était souvenue des chuchotements et des regards subis – elle avait alors dix-huit ans, un an de moins que Julia – du plaisir éprouvé aussi, des regrets qu’elle avait parfois. Si vite, trop vite traversés les salons, sa jeunesse, et James dont elle avait pris le bras, cessant d’être la très belle Mademoiselle Bertolini pour devenir la jolie Madame James Clerkwood. Puis les enfants, Julia, Ronald ; James qui se voûtait, la surprise douloureuse qu’avait ressentie Dolorès quand, classant des photos de Julia et de Ronald, elle avait retrouvé un portrait de James, il était alors consul à Hambourg, James le visage plein, les cheveux plantés bas sur le front. James était entré à cet instant, et Dolorès avait découvert qu’en quelques années seulement il était devenu un homme âgé, amaigri et chauve. Elle avait dissimulé le portrait, tenté d’oublier, y réussissant parce que la vie à Londres, avec la guerre qui commençait, était une course contre le temps. Réceptions, réunions, décisions à prendre, fallait-il renvoyer les enfants aux États-Unis, Londres serait peut-être bombardé comme l’avait été Varsovie ? Et Julia qui présentait ce Ralph Scott, déjà, déjà.
    Dolorès s’excusa auprès de Ralph, quelque chose, une crispation de la poitrine, comme si son corps, au centre d’elle, se rétractait et l’anxiété l’obligeait à se lever. Elle allait vers Julia pour se rassurer, oppressée, avec le désir d’ouvrir une fenêtre, de respirer l’air humide de janvier, retrouvant cette sensation d’étouffement qu’elle avait eue à La Paz quand elle courait dans les rues de la ville haute, et ce souvenir, le martèlement même de sa course qu’elle entendait, comme s’il était le battement de sa mémoire lui rappela une nouvelle fois Giulio Bertolini. Elle craignait que Serge Cordelier, qui était arrivé parmi les premiers invités, ne fût déjà parti. Elle se haussa sur la pointe des pieds, surprise par Julia qui s’était approchée d’elle, s’inquiétait. Dolorès souriait, un peu
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