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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II
Autoren: Max Gallo
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calmée.
    « … Je n’ai pas vu Serge Cordelier », disait-elle.
    Julia la prenait par la main, la conduisait vers le buffet, lui montrait Cordelier qui parlait avec l’attaché militaire américain.
    — Je vous l’arrache quelques minutes, disait Dolorès.
    Mais une fois seule avec Cordelier, elle ne savait que dire.
    — Votre mère, toujours à Paris ? interrogeait-elle simplement.
    Cordelier riait.
    — Ma mère pleure, répondait-il, mais elle est à Paris, oui. Serait-elle dans ce salon que je n’en serais pas surpris. Les mères latines, chère amie, ont le poids des divinités. Elles ne vous abandonnent jamais. Au début du mois j’étais à Paris, vous connaissez Sarah Berelovitz, n’est-ce pas ?
    Il parlait vite comme le font les Français, incapable d’imaginer qu’on ne comprenne pas parfaitement leur langue. Dolorès, indifférente à Lucia Cordelier et à Sarah Berelovitz, ne l’interrompait pas.
    — Votre oncle, dit-elle quand Serge Cordelier eut terminé le récit de cette réception chez Sarah, est resté en Chine ?
    Serge eut un geste d’ignorance.
    — Que voulez-vous que nous sachions ? Les Japonais occupent Shanghai. Bertolini écrivait peu, maintenant le silence total. Nous ignorerions même sa mort.
    Dolorès ferma les yeux, eut la sensation que sa nuque et ses tempes se couvraient de sueur.
    — Ce n’est pas possible, n’est-ce pas ? murmura-t-elle.
    Serge Cordelier haussait les épaules, lui saisissait le poignet.
    — Excusez-moi, disait-il à voix basse. Je suis brutal, mais tant de choses m’inquiètent. En ce moment, je suis persuadé que le pire est sûr.
    Il entraînait Dolorès qui s’appuyait à lui.
    — Voyez-vous, reprenait-il, nous sommes entrés dans l’une de ces périodes de l’histoire où tout est sombre ; beaucoup ne le savent pas encore, ils sont comme les voyageurs d’un train, la locomotive, les premiers wagons roulent déjà dans le tunnel, eux continuent d’être au jour, et ils ne veulent pas regarder.
    Ils s’assirent côte à côte. Serge maintenant parlait lentement détachant chaque mot comme s’il voulait être sûr que Dolorès en saisisse le sens.
    — Vos enfants, disait-il, Julia, Ronald, faites-les rentrer aux États-Unis, immédiatement. Personne ne peut dire ce que sera la situation dans quelques mois. – Il se tut regardant devant lui. – Pourquoi ne partez-vous pas avec eux ?
    Dolorès fit non d’un petit mouvement de tête. Elle venait de se décider en écoutant Serge.
    — Nous sommes une famille, Monsieur Cordelier, nous tous ensemble ou personne.
    Serge l’observait, souriait :
    — Vous êtes aussi latine que ma mère. Je comprends. Vous avez tort, mais je comprends.
    — Pour le père Bertolini, commençait Dolorès.
    — Aucune nouvelle précise, disait Cordelier. Cependant, ajoutait-il après un long silence, une inquiétude, et…
    Dolorès l’interrompait :
    — Un pressentiment, n’est-ce pas ?
    Serge Cordelier se levait pour répondre.
    — En somme, dit-il, puisque Giulio Bertolini vous a adoptée, nous sommes cousins ? Je vous embrasse, Dolorès.
    Il la serrait avec tendresse contre lui.
    Quand ils arrivaient en vue d’un village, Lee Lou Ching laissait le paysan qui lui servait de guide avancer seul. Il attendait assis sur le bord du chemin, parfois couché dans le fossé, la neige collant à ses vêtements et il en sentait l’humidité comme une sueur glacée, celle de la peur. Si le paysan tardait à revenir, Lee s’approchait, prenant à travers champs, aux aguets, prêt à s’enfuir, serrant sous sa veste la crosse froide du pistolet qu’il réchauffait peu à peu. Les Japonais pouvaient avoir installé un poste de contrôle ou bien l’une de leurs patrouilles qui sillonnaient la campagne aux abords de la frontière avait pu s’arrêter pour quelques heures dans le village. Lee tentait d’identifier les bruits, sursautait quand, d’un enclos, une dizaine de cochons noirs s’enfuyaient poursuivis par un enfant qui en courant, une baguette à la main, faisait voler la neige. Lee s’immobilisait, il suivait la silhouette de l’enfant, il crispait ses doigts autour de la crosse comme s’il se fût agi de cette branche qu’il avait tant de fois levée lorsque enfant il pourchassait lui aussi des cochons noirs. Quand il avait réussi à les regrouper, à les faire rentrer dans l’enclos, il descendait vers le village, longeant l’étang jusqu’aux premières
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