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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de plus que lui et faisait au moins une fois et demi son poids. Ses cheveux blonds coupés courts, vaguement bouclés, surmontaient un visage rond facilement souriant, sauf pour son époux. Derrière ce couple venait un gamin un peu grand pour son âge, mince et robuste, les cheveux au ras du crâne. Parce que chacun tenait à trouver une ressemblance, tous reconnaissaient en lui les cheveux et la vigueur maternels. . et rien du côté paternel.
    Le trio entra dans une petite maison de deux étages dans la 3e Rue. La cuisine témoignait de la prospérité relative de cette famille. Directeur des ateliers PICARD, situés à la Pointe-aux-Lièvres, Fulgence remettait toutes les semaines une paie appréciable à sa femme. Elle en faisait un usage prudent, au point de voir le compte du couple s’enfler avec une rassurante régularité à la Caisse populaire de la paroisse.
    — Jacques, déclara-t-elle tout en enlevant son chapeau de paille, va jouer un peu dehors en attendant le dîner.
    — Avec ces habits ?
    Il portait une veste et une culotte de velours brun. De longs bas lui couvraient les jambes. Seuls les genoux demeuraient nus. Sauf l’hiver, avant l’âge de douze ans révolus, le port du pantalon ne s’imposait pas.
    Thérèse apprécia le souci de son rejeton pour ses habits du dimanche.
    — Fais attention, tout simplement. J’aimerais parler un peu avec ton père.
    Le garçon sortit sur le perron, s’installa sur l’une des chaises placées là en permanence et se mit en devoir de surveiller les jeunes voisins désireux de disputer une joute de baseball en plein milieu de la rue. Ceux-là ne craignaient pas les accrocs { leur costume. D’un autre côté, ils ne paradaient pas avec les plus beaux habits disponibles chez PICARD.
    — Hier encore, nous n’avons reçu aucune lettre, annonça la grosse femme d’une voix impatiente.
    Fulgence redoutait de voir ce sujet revenir encore sur le tapis. Depuis un mois, elle l’abordait tous les jours. Il alla prendre une tasse dans l’armoire, actionna la pompe pour la remplir d’eau.
    — Tu m’écoutes ? Nous n’avons rien reçu.
    — C’est sans doute un oubli. Le notaire doit être un peu trop occupé.
    — Cela fait six semaines qu’il nous oublie. Nous n’avons rien reçu le 1er mai dernier, nous sommes le 15 juin.
    Trois fois par an, le couple recevait un chèque devant couvrir les frais reliés { l’entretien du garçon. La somme avait été convenue environ dix ans plus tôt avec le professionnel de la Haute-Ville, quelques semaines avant l’adoption de Jacques.
    Comme son mari ne lui répondait rien, Thérèse respira longuement pour réprimer sa colère, puis elle s’efforça d’être un peu plus amène.
    — De quoi as-tu peur, à la fin ? Nous avons un contrat, le notaire Dupire doit nous verser la pension régulièrement.
    C’est la première fois qu’il est en défaut.
    — Je n’ai pas peur. J’aime ce garçon, j’ai les moyens de l'élever. En acceptant cet argent, je me fais l’impression de recevoir la charité.
    A son tour, lui aussi avait un peu élevé la voix. Il avait dirigé plus de cent cinquante ouvrières et une trentaine d’hommes au plus fort de la guerre. Les allusions répétées de son épouse à sa pusillanimité lui donnaient parfois envie de donner des coups !

    — Je l’aime autant que toi ! rugit-elle.
    Cela ne faisait pas de doute. Jacques devenait l’obsession de son existence. Cette femme reportait sur lui son besoin d’admirer un homme. Elle rêvait de le voir réaliser toutes les ambitions qu’un époux timoré ne poursuivrait jamais.
    — Mais ce n’est pas une raison pour se laisser dépouiller.
    Nous avons un contrat, cet argent nous est dû. Nous devons l’inscrire aux classes préparatoires du Petit Séminaire en septembre. Les études ne sont pas gratuites. Avec l’université, cela veut dire des frais de scolarité pendant les treize prochaines années.
    Car, contrairement à son père, Jacques Létourneau serait un professionnel, l’un de ces avocats ou de ces médecins vêtus d’un complet coupé par un tailleur. Dans ses rêves les plus fous, elle l’imaginait même vivre sur la Grande Allée.
    — Nous pouvons payer tout cela, fit remarquer son mari d’une voix déj{ moins assurée.
    — Nous paierons après son dix-huitième anniversaire.
    D’ici l{, il faut faire des économies.
    L’homme n’aurait pas gain de cause { ce sujet. Elle le houspillerait jusqu’{ ce qu’il
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