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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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refait sa vie. Cette histoire d’amour ne tenait pas de la passade. Elle marqua un temps d’arrêt avant de reprendre :
    — Que s’est-il vraiment passé ?
    L’hésitation de son interlocuteur ne dura qu’un instant.
    — Je suis allé prendre un verre dans un débit clandestin de la Basse-Ville. Deux gars m’ont cherché noise.
    — . . Mais pourquoi donc ?
    — Pour s’amuser. Pour une partie de l’humanité, échanger des coups représente une partie de plaisir. Je me suis trouvé sur le chemin de deux trous du cul.
    — Voyons, les gens ne sont pas comme ça. .
    Elle s’arrêta avant de se faire traiter de petite fille naïve, puis reprit :
    — Il leur fallait un prétexte, souffla-t-elle.
    Son frère baissa encore le ton avant de répondre :
    — J’ai refusé les services d’une prostituée, cela a piqué leur curiosité. Ensuite, ils se sont amusés { s’en prendre à un «héros de la guerre». Ce sont leurs mots, pas les miens.

    —Quel motif ridicule.
    —Te souviens-tu de toutes les assemblées où nous sommes allés ensemble ? Nous habitons dans une province où la majorité des gens s’est opposée { la participation au conflit. Mon statut de volontaire ne crée pas un sentiment unanime de sympathie à mon endroit.
    De nouveau, elle donna son assentiment d’un hochement de tête.
    —Aujourd’hui, continua-t-elle, tu es revenu de ta longue escapade en sueur.
    —Je me suis rendu au cimetière Belmont.
    —Sur la tombe de papa? Si j’avais su, j’y serais allée aussi.
    Un peu de déception marquait la voix de la jeune fille.
    —Nous nous reprendrons au cours de l’été. Plus précisément, je suis allé sur la tombe de mon père adoptif et sur celle de mon vrai père.
    —Ton vrai père, c’est Alfred !
    Le ton péremptoire trahissait sa façon de voir les choses.
    —Thalie, ce n’est pas tout { fait vrai. Alfred a joué ce rôle de façon irréprochable. Mais mon véritable père, c’est Thomas.
    Il continua après une pause, un sourire amusé sur les lèvres :
    —Tiens, le mieux serait de dire faux père, comme on dit faux frère. Cela décrirait bien la réalité.
    —Qu’allais-tu faire sur ces deux tombes ?
    —Juste leur signaler mon retour. Comme ils n’ont plus le loisir de venir au magasin afin de contempler le survivant, cela m’a semblé la chose { faire.
    Sa sœur posa son grand regard intrigué sur lui, puis elle réprima un bâillement.

    —Je te garde debout, murmura Mathieu en se levant. Si tu es en retard à la messe demain, les voisins soupçonneront que les gens de McGill ont fait de toi une protestante.
    — Ils le murmurent déjà.
    — Raison de plus pour être prudente. Bonne nuit.
    Sur ces derniers mots, il posa légèrement ses lèvres sur le petit front étroit. Elle lui rendit son souhait de bonne nuit dans un second bâillement.

    Chapitre 2

    Le quartier Limoilou s’étendait progressivement au nord de la rivière Saint-Charles, avec ses rues et ses avenues bien larges tracées à angle droit. Les élus municipaux, tout comme les entrepreneurs immobiliers, peut-être inspirés par leurs collègues de langue anglaise, ne paraissaient pas doués d’une bien grande imagination. Les lignes de ce grand damier portaient, en guise de noms, un chiffre affublé des mots « Rue » ou « Avenue ». Cette tendance ne durerait pas toujours : le panthéon des saints patrons et celui tout aussi vénéré de l’histoire de la Nouvelle-France fourniraient éventuellement une liste d’odonymes plus évocateurs.
    Un peu après onze heures, le dimanche 15 juin, un couple apparemment mal assorti revenait de la messe à l’église Saint-Roch, toujours en chantier. Leur propre temple paroissial, Saint-Charles, rasé par un incendie l’année précédente, offrait encore des murs { demi érigés.
    Plutôt que de se contenter du confort sommaire de locaux de fortune près de chez eux, ils choisissaient parfois d’aller entendre les sermons sévères de monseigneur Buteau.
    L’homme et la femme s’engagèrent sur la 3e Rue.
    Fulgence Létourneau était de petite taille, mince au point de paraître malade, une impression accentuée par son dos un peu voûté et la pâleur de sa peau. Son visage osseux s’ornait d’une fine moustache, un vestige de l’époque où il désirait se vieillir un peu. L’ornement pileux semblait désormais inutile : un peu passé quarante ans, l’homme en paraissait dix de plus.
    Sa compagne, Thérèse, mesurait deux bons pouces
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