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Les héritiers

Les héritiers

Titel: Les héritiers
Autoren: Jean-Pierre Charland
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elle. Enfin, cela décrit bien la situation entre nous.
    Thalie se tenait assise sur le banc placé près de la fenêtre.
    Maintenant, pour mettre ses coudes sur le bord, elle devait se pencher un peu. Elle avait défait sa lourde tresse pour laisser ses cheveux noirs et ondulés couvrir ses épaules.
    Elle se tassa un peu pour laisser une place à son frère, à ses côtés.
    — Je parle de tout le monde. De Françoise aussi, en conséquence. Prends ma propre relation avec elle: nous continuons de bien nous entendre, mais nous avons si peu

    { nous dire maintenant. J’ai emprunté un autre chemin, très différent du sien. Elle ne comprend rien à mes découvertes, ni même { mon intérêt pour cette vie. Moi, d’un autre côté, je trouve sur ma route des personnes partageant mes passions.
    — Toutes ces camarades à qui tu écris. .
    — Oui.
    L’étudiante entretenait une correspondance avec trois ou quatre de ses compagnes de la pension Milton, en plus de chercher les journaux publiés à Montréal, en anglais. Des échos de la vie { l’Université McGill s’y trouvaient parfois.
    — Maman aussi a changé, ajouta-t-elle.
    — Notre retour lui donne l’impression que tout est rentré dans l’ordre. Toutefois, sa vie ne doit plus tourner autour de notre présence, sinon elle sera déçue.
    La jeune fille hocha la tête.
    — Cela fait son chemin dans son esprit. Ce soir, elle nous a abandonnés pour aller souper avec le beau Paul.
    Sous leurs yeux, les lampadaires jetaient des taches de lumière jaune sur les trottoirs de la rue de la Fabrique. A cause du beau temps, des promeneurs s’attardaient encore. Demain dimanche, ils pourraient rester un peu plus longuement au lit. Pas au point e rater la messe, toutefois : certaines obligations demeuraient tout aussi impératives.
    — Les gens et les choses ont changé, et nous aussi ne sommes plus les mêmes, conclut Mathieu.
    — Ce qui s’applique { certains plus qu’{ d’autres, insista Thalie. Toi, en particulier.
    — Au point de ne pas toujours me reconnaître.
    Elle chercha sa main gauche, finit par la serrer sur son index, un peu intriguée par l’absence du majeur.
    — Pourquoi refuses-tu de discuter avec moi de ces souvenirs? Ils te hantent, je le comprends bien.

    — . . Tu es ma petite sœur.
    — Justement, nous avons toujours été proches l’un de l’autre.
    — Et je tiens à ce que nous le restions. Si je te disais. .
    Il craignait par-dessus tout de voir se modifier définitivement le regard qu’elle posait sur lui.
    — Je suis une grande fille maintenant, et je sais combien cela a dû être difficile, là-bas.
    — Tu demeures ma petite sœur. Je ne mettrai pas certaines choses entre nous. Cela changerait tout. .
    Il souhaitait préserver leur petit monde d’innocence, celui de l’enfance. Après quelques minutes, la jeune femme rompit le silence :
    — Françoise ne paraît plus cadrer dans ton existence.
    Sa gentille placidité séduisait le grand collégien.
    — Je ne suis plus cette personne-là. Puis elle veut tellement bien faire. .
    L’invitée de la maison déployait des efforts infinis pour chasser la mélancolie de son « fiancé ». À la fin, cette insistance le rendait plus morose encore.
    — Crois-tu que le temps arrangera les choses ? interrogea Thalie.
    — Avec elle ?
    — Non, avec toi. Je souhaite que tu ailles bien, avec ou sans Françoise dans ta vie.
    Mathieu demeura songeur un moment, soupesant la question.
    — Je suis revenu le 18 mai. Il y aura seulement quatre semaines demain ! Tout le monde paraît l’oublier. C’est si court pour tourner la page.
    Thalie hocha la tête en signe d’acquiescement.
    — Nous rêvons de te voir reprendre tes activités, comme si rien ne s’était passé. C’est naïf de notre part, admit-elle.

    Le frère et la sœur se perdirent encore dans la contemplation de la petite place sous leurs yeux. Une voiture passa sur le pavé en pétaradant, des effluves d’essence consumée montèrent à leurs narines.
    — Hier, tu ne t’es pas blessé dans l’escalier.
    Le ton affirmatif ne lui laissait guère le choix d’une réponse.
    — Non, mais j’aurais pu. Paul Dubuc est un homme chanceux : passer par là pendant deux ans sans se casser la gueule tient du miracle.
    — Chanceux surtout de venir rencontrer maman. Au terme de son équipée, il la prend dans ses bras. Cela doit lui donner du courage.
    Elle aussi devait se réconcilier avec cette idée : sa mère avait
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