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Les disparus

Titel: Les disparus
Autoren: Daniel Mendelsohn
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boutique de son père, qui avait une
tannerie, mais aussi une sorte d'épicerie chez lui, les gens venaient y acheter
de la viande, des saucisses. Il aimait cette fille, cette Juive, disaient les
gens, c'est pourquoi il avait trouvé un endroit pour elle et son père. Mais
quelqu'un l'a vu apporter de la nourriture tous les soirs chez les sœurs
Szedlakowa, l'a soupçonné, et cette personne – un voisin, probablement,
elle ne s'en souvenait pas – l'a dénoncé, ainsi que la Szedlakowa, à la
Gestapo. Les Allemands sont venus et ils ont emmené les Juifs dans un coin au
fond du jardin et les ont abattus là.
    Qu'est-ce qui est arrivé exactement à Szymanski et à
Szedlakowa ? avons-nous demandé en chœur. Jack Greene, il y avait des lustres à
présent, avait raconté qu'il avait entendu dire qu'il avait été emmené le jour
même dans un champ et qu'ils l'avaient tué là. Maintenant, Mme Latyk, qui était
là le jour où ça s'était passé, a dit, Il a été tué à Stryj. Et Hela a été
emmenée à Stryj, elle aussi, et ils les ont pendus tous les deux. Mais les
Juifs ont été abattus sur place.
    Stryj, ai-je pensé : la petite ville de province de Mme
Begley. Ce petit détail, que je n'avais jamais entendu auparavant, me faisait
l'effet d'être la preuve absolue de l'authenticité de l'histoire. Les Juifs
étaient hors la loi, on pouvait les tuer comme ça, les abattre n'importe où.
Mais les Polonais désobéissants, il fallait faire d'eux un exemple. Il est
probable qu'ils les avaient emmenés à Stryj pour faire un spectacle terrifiant,
avant les exécutions qui étaient une conclusion assurée.
    Et c'était toute l'histoire. A présent, toutes les pièces
s'emboîtaient : Ciszko et Szedlak, la maison de Szymanski et celle
de l'institutrice polonaise. Tout faisait sens à présent et il était enfin
possible de voir comment ce qui s'était réellement passé avait été, corrompu
par les distances à la fois géographiques et temporelles – ils n'étaient
pas vraiment là, ils en avaient entendu parler deux, trois ou dix ans
plus tard –, métamorphosé en de nombreuses histoires que nous
avions toutes entendues désormais.
    Nous sommes restés assis pour parler encore un peu : des
années de guerre, de la terreur ressentie par les gens, de l'angoisse de voir
disparaître des voisins de longue date ; et aussi de la brutalité de l'époque
d'après 1945, lorsque les Soviétiques avaient pris le contrôle, les conditions
de quasi-famine, l'aspect mesquin de l'oppression. Mme Latyk se souvenait avec
une certaine allégresse des années d'avant-guerre, des années d'enfance passées
avec des amies juives, ukrainiennes et polonaises, des années pendant
lesquelles il n'y avait pas, pour autant qu'on le sache, de tension, de haine,
d'animosité. C'était une petite ville animée, heureuse, a-t-elle dit en
souriant un peu. J'écoutais en silence, en partie parce que j'étais ému
d'entendre une femme polonaise, née en 1928, prononcer les mêmes mots que ceux
que mon grand-père, un Juif né dans la même ville en 1902, m'avait répétés
inlassablement, il y avait des lustres, et en partie parce que c'était le moins
que je pusse faire pour cette femme au visage si bon que nous connaissions à
peine, que nous aurions manquée si nous n'étions pas retournés une dernière
fois, quand nous pensions que tout était perdu, et qui m'avait finalement
raconté l'histoire que j'avais voulu entendre, du début jusqu'à la fin, depuis
bien longtemps maintenant.
     
    Janina Latyk n'avait plus
qu'une chose à nous révéler et j'étais nerveux quand j'ai dit, à la fin de
notre longue conversation, Maintenant, peut-elle nous montrer quelle maison
c'était ?
    Elle a hoché la tête. Avant que nous ne ressortions de chez
elle, j'ai dit à Alex, S'il vous plaît, dites-lui que ma famille a vécu dans
cette ville pendant plus de trois cents ans et que je suis à la fois honoré et
reconnaissant de l'avoir pour voisine.
    Il a traduit ma phrase et elle m'a souri en posant la main
sur son cœur, avant de la tendre vers moi. Même chose pour vous, a dit
Alex.
    Nous avons quitté la maison et marché lentement dans la rue.
Mme Latyk s'est arrêtée devant la première maison, la maison où nous étions
entrés le jour de notre arrivée, la maison avec la trappe et la cachette, et
elle a pointé le doigt vers elle.
    Je le savais, me suis-je dit. J'ai été là-dedans, je
suis descendu dans cet endroit tellement
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