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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres
Autoren: Lucien Rebatet
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italienne appuyée sur la volonté de Paris.
    Nous possédions à la tête de nos affaires, par surcroît de fortune, l’homme le mieux en cour à Rome, le plus admirablement désigné pour réussir l’opération. Il se laissa fourvoyer dans les mécanismes juridiques et succomba devant le prestige anglais. Un journaliste racontait que dans la salle de la Société des Nations, pendant que M. Pierre Laval répondait « oui » de la tête à la condamnation genevoise, il tournait vers le délégué italien un regard qui disait amicalement « non ». Mais ce « non » ne comptait pas.
    Pour l’usage intérieur, la tragi-comédie des sanctions fournissait le plus magnifique thème de campagne qui fût : dénoncer la volonté de guerre d’un clan qui s’était lui-même désigné. Prétexte d’autant plus beau que, si dans l’apparence tous les risques étaient accumulés, ils n’étaient pas si sérieux dans la réalité. En effet, l’acte générateur de guerre dépendait du corps constitué le plus impuissant du monde, celui qui gîtait dans le palais genevois. Or, les plus furieux bellicistes étaient aussi les mages de la Société des Nations.
    Il était facile encore de ridiculiser les champions d’un roitelet négroïde, trafiquant d’esclaves, et ses ras et ses généraux, sauvages entortillés dans des cotonnades, à qui les démocrates prêtaient une stratégie napoléonienne.
    Certes, nous menâmes un beau tapage. Maurras, incomparable pourfendeur de nuées, fut rarement à pareille fête. Il risqua crânement la prison où Blum allait bientôt l’enfermer. Mais cela se termina en histoire marseillaise où chacun se retient et retient l’autre pour ne pas faire un malheur, Maurras n’ayant pas dégainé le couteau de cuisine dont il menaçait les 140 parlementaires bellicistes désignés par lui dans une liste fameuse, la S. D. N. ayant voté des sanctions à peu près inapplicables, l’Angleterre ayant usé ses bateaux sans rien empêcher des desseins italiens.
    Pierre Laval tombait, grand vaincu de cette passe, ayant épuisé des trésors d’adresse pour aboutir à cette défaite, ayant conçu un plan de large politique, mais rien osé pour ce qui était sa condition essentielle, une prorogation des Chambres.
    Pour nous, les « factieux » français, le Duce sortait encore grandi de l’affaire qu’il avait si énergiquement menée à la barbe de ses insulteurs. Nous avions rafraîchi nos souvenirs sur le jeu anglais qui reparaissait dans toute sa sordidité et son hypocrisie. Les divisions s’accusaient plus brutalement, comme il le faut pour une vraie lutte, entre les deux camps politiques de la France. Nous avions vu se rassembler sous nos yeux cette croisade de l’antifascisme international, que nous dénoncions depuis des années, mais dont la réalité était demeurée si longtemps occulte. Tout cela enrichissait l’arsenal de notre combat verbal et écrit. Mais en fin de compte, nous n’avions guère fait de nouvelles recrues. L’antifascisme s’était au contraire cimenté dans la bagarre. Sa propagande avait battu la nôtre sur tous les terrains.
    Quant à notre italophilie, comme par hasard, elle atteignait son comble au moment où elle devenait sans espoir.

CHAPITRE II -
LÉON BLUM ET LA PROVIDENCE
    Lorsque M. Paul Reynaud, au mois de mai 1940, flanqué de ministres radicaux et d’évêques, s’en alla implorer le Seigneur à Notre-Dame pour le salut de la France envahie, je doutai fort du succès de sa pieuse effusion : non seulement parce que M. Paul Reynaud était un personnage éminemment indigne, mais parce que la France devait avoir fatigué Dieu.
    Aucune nation ne s’est vu prodiguer avec une pareille persévérance les avertissements et les faveurs du destin, n’y a été sourde, ne les a repoussés avec une aussi folle opiniâtreté.
    Le triomphe du Front Populaire, en 1936, était un événement providentiel. Il avait fallu cette grande éruption marxiste pour que l’Italie et l’Allemagne fissent leur renaissance, comme si cette maladie purgeait le sang des nations. La fièvre rouge nous frappait les derniers, sans doute parce que nous étions les plus bourgeois et du plus petit tempérament. Mais elle s’annonçait carabinée. Après une pareille crise, on verrait bien s’il subsisterait encore des doutes sur la malfaisance du régime.
    Le soir du deuxième tour des élections, j’étais dans le hall de notre confrère Le Jour. Je
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