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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge
Autoren: Jean Markale
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saurait la rattraper qu’elle n’y consente de son propre chef. Autre détail, encore
plus curieux et significatif, le fils dont elle accouche lui est enlevé « la
troisième nuit de sa naissance » et, accusée d’infanticide, elle est
condamnée à porter sur son dos, pendant un an, tous les
visiteurs qui se rendront à la demeure royale [17] .
L’analogie entre Macha, Épona et Rhiannon est trop évidente pour qu’il s’agisse
d’une simple coïncidence. Quant au nom de Rhiannon, qui provient d’un ancien rigantona et signifie « royale », il fait d’elle, à
l’instar de Macha, la Grande Reine, la Grande Déesse.
    Or, en tant que déesse primordiale, Macha est la Mère. Avant
d’accoucher au terme de sa course contre les chevaux du roi, elle a servi de
mère adoptive aux enfants du veuf auquel elle s’est unie. Et, bafouée dans sa
fonction maternelle par des hommes, elle les punit en leur infligeant une « maladie
de femmes », autrement dit en les féminisant . Il
est impossible dès lors de ne pas songer à la tradition ossète liée à la
naissance de Batraz : à la suite de la transgression de l’interdit, la
femme-grenouille transmet à son mari le fœtus qu’elle porte, le chargeant ainsi
de terminer la gestation – et, par conséquent, d’accoucher. Il est évident que,
par cet acte, elle le féminise , elle le conduit à subir
une « maladie de femmes ».
    Mais ce n’est pas tout. Cette tradition d’origine scythique
en évoque une autre, également liée aux Scythes, que rapporte Hérodote (I, 105).
Lors d’une expédition que ceux-ci, dit-il, menèrent en Asie Mineure, ils
traversèrent Ascalon, ville de Syrie, sans lui causer le moindre dommage. Mais
des éléments de leur arrière-garde saccagèrent et pillèrent le temple d’Aphrodite
Céleste, l’un des plus anciens et des plus vénérables de cette déesse. Et l’historien
d’ajouter : « Ceux des Scythes qui avaient pillé le temple d’Ascalon
et toute la suite de leurs descendants, la déesse les frappa d’une maladie de femmes  : tel est le récit par lequel les
Scythes expliquent cette maladie. D’ailleurs, les voyageurs qui vont en Scythie
peuvent constater l’état de ces gens que les Scythes appellent Énarées . »
    On sait qu’Hérodote confond volontiers le Mythe et l’Histoire,
mais cela n’a guère d’importance ici. On en arrive à la conclusion, aussi
valable pour les Irlandais – et pour tous les Celtes – que pour les Scythes – et
leurs descendants, les Ossètes –, qu’il est périlleux d’outrager, de quelque
façon que ce soit, la Grande Déesse, quelque nom qu’on lui donne et quelle que
soit la religion en vigueur. Certes, on a bien tenté d’expliquer le cas des Énarées
(dont le nom suppose un ancien indo-européen a-nar-ya ,
« non viril », qu’Hérodote traduit ailleurs (IV, 67), par androgunoi , c’est-à-dire « androgynes »), en
faisant appel à des rituels religieux féminisants pratiqués notamment chez les
Chamans d’Asie centrale et les sorciers amérindiens, voire à la castration
volontaire attribuée aux prêtres de Cybèle. Mais la maladie de
femmes des Énarées et des Ulates ne fait pas partie d’un rituel
religieux, elle est un châtiment parfaitement justifié. À ce sujet, Georges
Dumézil commente : « Les Scythes de la Mer Noire ne justifiaient
sûrement pas la singularité des Énarées par le pillage d’un temple syrien d’Aphrodite :
ils devaient parler d’un outrage fait à la déesse authentiquement scythique.
[…] Et c’est Hérodote qui, connaissant d’autre part l’Aphrodite Céleste des
Syriens d’Ascalon et composant, cette fois avec des traditions du Proche-Orient
et non pas scythiques, un récit de la marche des Scythes vers l’Égypte, aura
combiné de bonne foi l’une et l’autre données. » [18] .
On pourrait compléter sa remarque en évoquant l’un des noms que certains
peuples du Proche-Orient ont donné à la Grande Déesse : Inara .
Est-ce vraiment une coïncidence ?
    « La rencontre est troublante, écrit Joël Grisward à ce
propos, et en incluant dans son argumentation l’histoire de l’étrange gestation
du narte Batraz. Nous sommes en présence d’un même récit mythique : une
divinité, fille ou petite-fille du dieu de la mer, épouse un mortel à la suite
d’un mystérieux concours de circonstances. Celle-ci se révèle une parfaite
“femme d’intérieur” et se distingue par ses
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