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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge
Autoren: Jean Markale
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« maeve »
dérive de la même racine indo-européenne que « milieu ». La reine est
par là même désignée comme un médium, l’intermédiaire obligatoire entre les
dieux et les hommes, entre le visible et l’invisible. Aussi sera-t-elle le
moteur essentiel des aventures où vont se voir projetés les guerriers de la
Branche Rouge. Elle n’est en réalité que l’aspect héroïsé des antiques déesses
qui, aux temps mythologiques, se nommaient Ériu (nom générique de l’île d’Irlande)
ou la « triple » Brigit, fille de Dagda, christianisée sous les
espèces rassurantes de sainte Brigitte de Kildare, et parfois identifiée à
Bobdh ou Morrigane, quand ce n’est pas à Étaine ou Boann. Il est souvent
difficile de s’y reconnaître au milieu de toutes ces appellations, et il suffit
de savoir que, comme le chantait si bien Gérard de Nerval, « la treizième
revient, c’est encor la première »…
    Cela dit, quelques-unes méritent une mention spéciale. Ainsi
Dechtiré, sœur de Conor et mère de Couhoulinn, est-elle une étrange femme qui, telle
la Morgane des romans arthuriens ou la Morrigane de l’épopée irlandaise, a le
pouvoir de se transformer en oiseau. Mais ces deux dernières apparaissent sous
l’aspect d’une corneille ; la première prend celui d’un cygne, rejoignant
ainsi la belle Étaine, ou la malheureuse fille de Lîr. Dechtiré serait-elle
donc une antique déesse-oiseau comme on en voit figurer sur les flancs du
célèbre Chaudron de Gundestrup ou, de manière plus surprenante, jusque dans la
cathédrale de Kilkenny ? Et que penser aussi de Leborcham, messagère de
Conor, dépeinte comme un véritable laideron, comme une femme sauvage surgie de
la Préhistoire, mais qui se révèle parfaitement efficace et, de surcroît, excellente
mère nourricière de l’héroïne Déirdré ?
    Déirdré est certainement la plus connue de toutes ces
héroïnes pour avoir été popularisée dans le monde entier par le fameux drame de
John Millinton Synge. Elle a fini par symboliser l’Irlande martyre, victime de
la tyrannie britannique – en l’occurrence incarnée curieusement par le roi
Conor –, mais elle est bien davantage : elle est la Femme exemplaire, la
femme qui veut assumer en personne, coûte que coûte, son propre destin et qui
échoue par suite du mensonge, de la trahison et de la lâcheté des mâles, autrement
dit des phallocrates. Elle est donc un emblème et, à cet égard, dépasse de loin
le cadre celtique dans lequel elle apparaît. Et, de plus, elle est également magicienne , comme toutes les femmes celtes : elle a la puissance , mais cette puissance gît dans l’inconscient
collectif de l’humanité sous les clinquants de la gloire masculine. Elle
connaîtra d’ailleurs nombre de réincarnations, ne serait-ce qu’en Yseult la
Blonde (et son prototype irlandais Grainné, dont le nom est dérivé de celui du
soleil) et en toutes les femmes-vampires qui se manifestent dans la littérature
autant que dans les contes populaires et suscitent la terreur – et le désir
inavouable – des hommes de tous les pays et de tous les temps [15] .
    La plupart des autres héroïnes, bien moins connues, ont des
caractéristiques tellement singulières qu’elles échappent à toute
classification. On pourra rêver sur la Blathnait que se disputent Couhoulinn et
l’énigmatique Cûroi mac Daeré, cette Blathnait dont le nom signifie « née
des fleurs », au même titre que son homologue galloise Blodeuwedd, devenue
hibou à la suite de la vengeance, d’ailleurs justifiée, de Gwyzion, fils de la
déesse Dôn (l’équivalent de la Dana irlandaise). Blathnait est la gardienne d’un
chaudron qui n’est pas sans évoquer le Graal, ce qui peut la rapprocher de la
fille du Roi Pêcheur. Et que dire de Fand, dont le nom signifie « souci »,
qui, tout en étant l’épouse officielle du dieu Mananann mac Lîr, s’éprend de
Couhoulinn et l’entraîne dans une île merveilleuse qui ressemble fort à l’Avalon
de la légende arthurienne ? Et comment oublier la femme officielle de
Couhoulinn, Émer, à la fois jalouse et tolérante parce que la notion de
fidélité n’a pas la même valeur dans l’Irlande pré-chrétienne que dans les
sociétés contemporaines [16]  ?
Et ces prophétesses dont l’appartenance à la classe sacerdotale druidique fait
des magiciennes, et qui interviennent constamment dans le cours des événements ?
Elles sont les
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