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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge
Autoren: Jean Markale
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INTRODUCTION
    La puissance et la gloire
     
    Les Gaëls, que les Irlandais nomment souvent, dans leurs
anciens manuscrits, les Fils de Milé , sont des Celtes « venus
d’ailleurs » et qui ont conquis, après bien des péripéties parfois
tragiques, cette mystérieuse Île Verte qu’est l’Irlande,
terre égarée à l’ouest du monde, en face d’un océan toujours prêt à mugir sous
les rafales des vents surgis des pays où le soleil bascule dans les ténèbres de
la nuit. L’ont-ils vraiment conquise ? On serait tenté d’en douter, car la
victoire qu’ils ont remportée lors de la bataille de Tailtiu ( Teltown )
consiste à en obtenir le partage avec ses anciens possesseurs, qu’il s’agisse
des peuples de la déesse Dana ( Tuatha Dé Danann ) ou des
étranges Hommes-Foudre ( Fir Bolg ), vaincus par ceux-ci
à la première bataille de Mag-Tured. Ainsi les Gaëls en occupent-ils la surface,
mais le sous-sol, l’univers du sidh , c’est-à-dire des
grands tertres mégalithiques, leur échappe, comme les innombrables îles perdues
dans l’océan : là règnent les peuples de Dana, associés aux derniers
Hommes-Foudre, notamment dans les îles d’Aran. Tout se passe donc comme si les
premiers représentaient la vie consciente, les seconds, les profondeurs de l’inconscient.
Or, chacun sait qu’à la moindre occasion l’inconscient ouvre largement ses
portes, et que le monde de la mémoire ou de l’imaginaire (l’un et l’autre étant
confondus) en profite pour surgir et s’imposer dans tous les actes de la vie
quotidienne. Les Gaëls d’Irlande sont apparemment les maîtres de l’Île Verte, mais
les récits épiques les plus archaïques qui nous soient parvenus précisent bien
qu’ils en partagent la souveraineté avec ceux que la tradition populaire
désigne sous l’appellation de « peuples féeriques » ou de « bonnes
gens ». C’est dire que, plus que jamais, les humains vont être confrontés
aux puissances surnaturelles, et que le déroulement de leurs actions sera inévitablement
soumis au jugement des dieux qui hantent leur mémoire.
    Au terme de leurs longues migrations, les peuples celtes ont
abouti, bon gré, mal gré, aux confins du monde habité, face à un grand océan
qui fait peur parce qu’il recèle tous les secrets de la vie et de la mort. Ainsi
vont naître des histoires qui, pour n’avoir aucun point
commun avec l’ Histoire , n’en seront pas moins des
témoignages irrécusables sur la façon de vivre, de penser, de sentir de tous
les peuples mystérieux qui ont contribué à faire l’Europe telle qu’elle se
présente aujourd’hui, avec ses multiples composantes culturelles peu à peu
fondues en une « ténébreuse et profonde unité ».
    Une fois établis sur l’Île Verte, les Gaëls s’y organisent, ni
mieux ni moins bien que tous leurs prédécesseurs. Peuples d’origine nomade, ils
ont pour seule richesse des troupeaux d’ovins pour la laine et la viande, de
bovins pour les laitages, la viande et le cuir, de cochons pour les salaisons
nécessaires, en hiver. Cependant, pour que ces troupeaux vivent et prospèrent, il
est nécessaire de leur fournir des pâturages appropriés. Certes, l’Irlande n’en
manque pas, car le climat humide est propice au renouvellement de l’herbe dans
les prairies et à l’abondance des feuillus dans les forêts, notamment des
chênes dont les glands sont la nourriture essentielle des porcs. Mais encore
faut-il s’assurer des meilleurs pâturages. Et c’est là
que le récit épique prend naissance.
    En effet, compte tenu des structures de la société celtique
qui ne connaît de frontières que provisoires ou simplement morales, le royaume
ne peut s’étendre que jusqu’où va le regard du roi. Cette affirmation, qui a
force de coutume, sinon de loi, signifie seulement que la richesse – et même la
survie – d’un groupe social dépend de la capacité qu’ont ses membres – sous la
conduite de leurs chefs, bien entendu – à découvrir de bons pâturages, à les
mettre en valeur et à les défendre contre d’éventuels compétiteurs. Et, les
choses étant ce qu’elles sont, il y a toujours des compétiteurs, des challengers , pourrait-on dire, qui se révèlent souvent de
redoutables adversaires. Il s’ensuit donc un nombre incalculable de frictions, de
luttes sournoises, de guerres inexpiables. Et c’est au cours de ces conflits
que se manifestent les héros dont on a besoin pour assurer
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