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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge
Autoren: Jean Markale
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de Macha
    En ce temps-là, dans la province d’Ulster, se dressait une
grande forêt, celle qu’on appelle aujourd’hui Knockmany, mais qui était alors
infiniment plus vaste, puisqu’elle s’étendait jusqu’au lac Erné. Sur sa lisière,
près de la ville à présent dénommée Clogher [20] , vivait un fermier du
nom de Crunnchu. Quoique jeune encore, il avait quatre grands garçons. Malheureusement,
sa femme, qu’il aimait tendrement, était morte, le laissant seul pour les
élever, tout en s’occupant de sa terre et de son troupeau.
    Or, un jour qu’il était à labourer un champ dans lequel il
voulait semer de l’orge, Crunnchu vit surgir de la forêt une jeune femme d’une
merveilleuse beauté. Elle était vêtue d’une longue robe verte qui se confondait
avec la couleur des herbes et d’un manteau gris que fermait une agrafe en or. Ses
pieds étaient chaussés de sandales de cuir dont les lanières se terminaient par
des boucles d’argent fin. Son col s’ornait d’un collier d’ambre, et sa
chevelure avait la noirceur des plumes de corbeau. Son visage irradiait de
grâce et de lumière, et elle souriait. Or, elle se dirigea vers Crunnchu et s’arrêta
devant lui. On ne peut plus surpris de cette apparition, le fermier, lâchant
son araire, s’était redressé, regardant la femme avec admiration, mais se
demandant qui elle était, d’où elle venait et ce qu’elle voulait.
    « Si tu le souhaites, dit-elle alors, je peux t’aider. Je
sais en effet quel mal te donnent ton travail et le soin de tes enfants privés
de leur mère. Je sais aussi que tu es pauvre et que tu te désoles souvent de n’avoir
pas de quoi nourrir ta famille. – Comment cela ? répondit Crunnchu
interloqué. Je ne vois pas comment tu pourrais m’aider. Cultiver la terre et s’occuper
d’un troupeau ne sont pas des tâches à la portée d’une femme. – Le crois-tu
vraiment ? » s’écria-t-elle en riant.
    Sur ce, elle se saisit de l’araire qu’avait délaissé
Crunnchu et, en quelques instants, elle eut tracé un profond sillon. Puis elle
en fit un autre, et un autre, tant et si bien qu’en très peu de temps le champ
entier se trouva labouré.
    Au demeurant, elle ne paraissait nullement épuisée par les
efforts qu’elle venait de fournir : bien au contraire, aux yeux de
Crunnchu, elle était devenue encore plus fraîche et encore plus belle, si belle
et si fraîche qu’il ne pouvait s’empêcher de la désirer. Mais comme elle l’intimidait
et qu’il s’étonnait de la facilité avec laquelle elle avait accompli la besogne,
il demeurait sans voix. Elle s’aperçut aussitôt de son trouble. « Eh bien !
dit-elle en riant, qu’en penses-tu ? Es-tu convaincu, maintenant, que les
femmes ne sont pas aussi faibles que le prétendent les hommes ? »
    Il ouvrit la bouche, mais sans pouvoir émettre aucun son. Le
regardant d’un air presque tendre, elle enchaîna : « Bon ! Puisque
tu refuses de me répondre, mène-moi du moins près de ton troupeau. »
    Il la guida jusqu’à l’enclos où il avait parqué ses vaches. La
jeune femme les examina les unes après les autres avec un visible intérêt.
« Elles sont belles et de bonne race, dit-elle enfin, et je suppose qu’elles
donnent beaucoup de lait. Puisque l’heure est venue de les traire, je vais le
faire. »
    Elle s’empara d’un chaudron qui se trouvait là, ainsi que d’un
billot de bois sur lequel elle s’assit et, sans plus tarder, se mit à traire
avec tant de dextérité et de promptitude que le chaudron se trouva bientôt
plein. Elle se releva et, toujours riant, demanda : « Es-tu satisfait ?
Es-tu prêt à m’accueillir chez toi, maintenant que je t’ai prouvé que je
pouvais me rendre utile ? »
    Crunnchu se décida à parler. Il redoutait que la femme ne se
ravisât et ne s’en allât, le laissant dans son embarras. « Certes, dit-il.
Si tu le désires, ma maison sera la tienne. – Je le désire, répondit-elle, mais
je ne viendrai chez toi que si tu acceptes mes conditions. – Quelles sont-elles ?
demanda Crunnchu, subitement inquiet. – Ce n’est pas difficile. Tu devras me
laisser libre d’agir à ma guise, et pour le plus grand bien de ta maison, de
tes enfants et de toi-même. Tu ne devras jamais proférer contre moi le moindre
mot de reproche. Et, surtout, personne, en dehors de tes enfants, ne devra
savoir ma présence dans ta maison. Aussi longtemps que tu respecteras ces
conditions, je serai à
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