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Les champs de bataille

Les champs de bataille

Titel: Les champs de bataille
Autoren: Dan Franck
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s’apprêtent, et il exhibe alors son Colt, arme le chien et se prépare réellement à défendre sa peau. Il se peut aussi que le revolver soit chargé à blanc. Nul n’y songe encore. Pour l’heure, il est enfermé avec quatre camarades dans une pièce située à l’étage, dont les fenêtres donnent sur un jardinet où poussent quelques roses. On n’entend pas encore les moteurs des voitures.
    Max, ensuite. Il est évidemment sur ses gardes. Mais depuis trois ans que cela dure, il a appris à surveiller ses arrières sans se retourner, à se comporter comme Jacques Martel patientant dans un cabinet médical. Le juge, qui aun pas d’avance sur ses suiveurs, qui entend les ordres proférés au pied du funiculaire, qui imagine les hommes en noir se rassemblant derrière leur chef, sait que Max n’en réchappera pas. C’est pourquoi il ne peut se le représenter à cet instant sans une peine immense, sachant bien que s’il observe, s’il écoute et s’interroge encore, il est déjà trop tard. Une phrase lapidaire résume le présent et l’avenir, c’est-à-dire le présent sans avenir : Max est vivant. Max est encore vivant.
    Pendant ce temps-là, au bas de la Croix-Paquet, les Allemands se préparent. Dès le matin, la rumeur a couru dans les traboules de Lyon qu’une réunion importante se déroulerait dans la journée. Eux le savent depuis plus longtemps. Ils sont même très bien informés. Par qui ? Comment ? Pourquoi ?
    Klaus Barbie apparaît dans le sillage de Max le 21 juin au matin. Il ignore alors exactement quel gibier il s’apprête à ferrer. Un coup de hasard va le servir. Si Max avait repéré les trois Traction en arrivant place Castellane, il aurait fait demi-tour. Hélas, elles survinrent cinq minutes après lui.
    « On ne les a pas entendues parce qu’elles roulaient lentement pour ne pas être repérées. »
    Le cliquetis des touches de la machine estcomme une scansion froide, mécanique, de réminiscences trompeuses, parfois mensongères.
    « On a vu les types en noir quand ils étaient dans le jardin. Trop tard pour fuir. Ils avaient des revolvers et des mitraillettes. Je ne sais pas si une équipe est entrée dans la salle d’attente du rez-de-chaussée. Nous, on a entendu une cavalcade dans l’escalier. Dix secondes plus tard, ils fracassaient la porte de la pièce où nous nous trouvions. Ils étaient au moins six. Leur chef a hurlé “Police allemande !”. Ils nous ont fouillés et menottés. Après, ils nous ont alignés face au mur, à deux mètres de distance. L’un d’eux a trouvé un pied de table. C’est avec ça qu’ils nous ont battus. Ils nous ont pris par deux, chacun à un bout du plateau, et ils nous demandaient qui on était et qui était l’autre. On se regardait, on cherchait dans l’expression du copain un signe, quelque chose à dire, une formulation muette grâce à quoi on aurait pu éviter les coups. Evidemment, on ne trouvait rien. Ils ont fini par nous embarquer. Ils avaient amené d’autres voitures sur la place Castellane. Ils nous ont poussés dedans. »
    Hardy marque un temps d’arrêt avant de rectifier :
    « Ils les ont poussés. Moi, comme vous lesavez, je me suis échappé. Ils m’ont tiré dessus sans m’atteindre. J’ai zigzagué pour fuir les lignes de tir, et j’ai sauté dans les herbes. Après, j’ai couru. »
    Max, lui, n’a pas pu s’échapper. Le juge sait par divers témoignages, tous concordants, qu’il a vu, lui aussi, les Allemands pénétrer dans le jardin du docteur. Entre le moment où ils ont franchi le portillon donnant sur la rue et celui où ils sont entrés dans la salle d’attente, il a eu le temps de plonger les mains dans ses poches, d’en sortir des feuilles de papier pelure qu’il a roulées sous ses doigts avant d’en avaler une et de demander à son voisin d’ingurgiter l’autre. Ainsi, son dernier mouvement d’homme libre aura été de protéger les secrets dont il était détenteur – de la même manière qu’il taira tous les autres, jusqu’à la mort. Ensuite seulement, il s’est soucié de lui-même.
    Les Allemands ont fait passer les femmes dans une autre pièce avant de s’occuper des hommes. Ils leur ont demandé leurs papiers. Max a tendu sa fausse carte d’identité. Elle ne lui a pas permis d’être libéré. Il a été emmené avec les autres. Menotté, poussé dans le dos, les pieds foulant le gravier du jardin jusqu’aux voitures. Un soleil pâle jouait
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