Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées
Autoren: Jeanne Bourin
Vom Netzwerk:
plutôt, comme une curiosité qui devine qu’elle va enfin être satisfaite.
    Cependant, je ne lui apprendrai sans doute pas grand-chose. Notre vie commune dure depuis trop de lustres pour qu’elle ne se soit pas déjà fait une opinion à mon sujet et à celui de Ronsard. Son mutisme ne m’a pas encouragée à me confier à elle auparavant mais elle n’est point sotte. Notre double silence recouvre une complicité inexprimée parce que perçue par nous deux comme allant de soi.
    — Mon cœur crèvera si je ne l’allège… Je me suis tue trop longtemps, vois-tu. Tant de pensées tournent à présent dans ma tête… Je viens d’apprendre des choses d’importance. J’ai besoin de m’expliquer comme de manger ou de boire.
    — Parlez, dame. Je vous écoute. Vous savez bien que je garderai le silence sur ce que vous m’aurez dit et que je ne soufflerai mot de ce que j’aurai pu entendre…

PREMIÈRE PARTIE
    Avril 1545 – Avril 1554
     
     
     
     
    Je la vis,
    J’en fus fou…
     
    Ronsard.
     
     
    Ville de Blois, naissance de ma Dame,
    Séjour des Rois et de ma volonté.
    Où, jeune d’ans, je me vis surmonté
    Par un œil brun qui m’outreperça l’âme…
     
    Ronsard.

1
    Une beauté de quinze ans, enfantine.
    Ronsard.
     
    Te souviens-tu, Guillemine, du printemps de nos quinze ans ? C’était au temps du roi François, premier du nom.
    Si les guerres, sans cesse renaissantes, demeuraient le fléau de son règne, il n’en avait pas moins répandu dans tout le royaume le goût des arts et de la beauté. La fréquentation de l’Italie y était pour beaucoup.
    Cette Italie dont mon père, Bernard Salviati, se vantait d’être le fils…
    Quand j’y songe, c’est là un héritage que je n’ai guère revendiqué. Mes frères et sœurs non plus, du reste. Nés en France, de mère française, n’ayant jamais posé le pied sur le sol de la péninsule italienne, nous nous sentions tellement plus enfants du nord que du sud des Alpes !
    Nous n’en éprouvions cependant pas moins une sorte de satisfaction à songer que nous étions les héritiers d’un important banquier florentin qui avait fondé des établissements à Paris et à Anvers, prêté de l’argent au roi après la défaite de Pavie, et que la dauphine Catherine était notre cousine puisque nous étions alliés aux Médicis…
    Pour ces raisons, mais aussi pour sa personnalité, pour la place qu’il occupait à la Cour, à la ville et dans son propre foyer, mon père m’impressionnait. Durant mon enfance, je le redoutais. À partir du moment où je me suis aperçue que les nouvelles armes de séduction fournies par l’adolescence avaient prise sur lui, j’ai cessé de le craindre. Séduit, il me semblait beaucoup moins intimidant. Cette découverte d’une certaine perméabilité chez un homme aussi puissant que lui me l’a rendu plus proche. Je crois bien que c’est à ce moment-là que la notion d’attachement a remplacé dans mon cœur celle de respect craintif.
    Il y avait chez lui, tu t’en souviens, un appétit de vivre, une autorité, un entregent, qui nous fascinaient tous. S’il n’avait certes pas un caractère facile, ses emportements mêmes étaient ceux du volcan qui domine la plaine étendue à ses pieds : olympiens !
    Près de lui, notre mère paraissait froide et sans éclat. Il fallait bien la connaître pour apprécier son égalité d’humeur, la fermeté de ses convictions, la droiture de son jugement. N’étant rien moins que démonstrative et bien que n’ayant jamais cessé de veiller à notre éducation de fort près, à aucun moment elle ne s’est laissée aller à nous témoigner faiblesse, connivence ou seulement attendrissement. Elle était la dignité même. Peut-être tenait-elle cette qualité de la certitude où elle se trouvait d’appartenir à une race qui valait bien celle des Salviati.
    Sen propre père, Guillaume Doulcet, qui avait été contrôleur général des finances sous le règne du feu roi Louis le douzième, lui avait inculqué la certitude qu’on retirait beaucoup d’honneur à exercer une telle charge.
    Du côté paternel, comme du côté maternel, nos ancêtres ne paraissaient ni les uns ni les autres avoir souffert de ne point être nobles. Ils avaient transmis à nos parents une juste fierté de leurs états respectifs. La réussite dans la Banque et les Finances leur semblait sans doute égaler un certain nombre de quartiers de noblesse. De toute évidence, ils
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher