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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe
Autoren: Jean-François Parot
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j’ose dire, de la situation. Il dépêche Pavel, qui pousse un grand cri. Son visage conservera l’expression d’étonnement en reconnaissant qui l’attaque. Ce cri est entendu dans l’hôtel et attire le secrétaire du prince, Dimitri, qui se précipite dans l’appartement de la grande-duchesse. Le meurtrier, Nikita, doit s’échapper par un des couloirs de service et redescend par un petit escalier. Il feint la surprise quand le secrétaire du prince vient le prévenir du drame. Il écarte Dimitri sous un vain prétexte, remonte dans l’appartement, bouge le corps de Pavel comme les témoignages le prouvent, et place le document, les pages arrachées du carnet de Rovski, dans l’habit du maître d’hôtel. Il sait que le meurtre d’un sujet russe remontera jusqu’à l’ambassade, qu’une enquête aura lieu au cours de laquelle il peut espérer que le rapprochement sera fait avec ce qui sera forcément découvert dans la poche de Pavel.
    — Nous vous écoutons, dit Vergennes, nous vous comprenons, nous sommes effarés du tableau qu’avec tant de talent vous nous brossez. Mais… Mais, monsieur le marquis, pourquoi M. Nikita Paline, majordome de l’ambassadeur de Russie, aurait-il voulu tuer ce Pavel ? Si j’en juge par ce que vous nous avez laissé entendre, leurs efforts étaient communs et allaient dans le même sens : celle de leur activité d’espions de la puissance impériale.
    Ceci fut énoncé sur ce ton de simple hauteur sans acrimonie qui était le propre du ministre.
    — Je me suis moi-même posé ces questions. Et c’est au bal de la reine que j’ai trouvé la solution en parlant avec M. de Corberon qui tout au long de cette enquête m’a prodigué les conseils les plus judicieux. Puis-je oser vous présenter une autre hypothèse ?
    — Nous vous en prions instamment.
    Nicolas fit signe qu’on fasse sortir Nikita Paline.
    — Il se trouve qu’à l’ambassade de Sa Majesté à Saint-Pétersbourg nos gens répondent avec honneur et excellence à que l’on attend d’eux. Ils cherchent, approfondissent, se renseignent, nouent des liaisons, recoupent et comprennent pour mieux informer…
    Vergennes, d’un air satisfait, approuva.
    — … De ce que m’a appris M. de Corberon, je retiens un renseignement capital. Ce Nikita Paline n’est pas un inconnu. Le peu qu’il m’avait confié sur lui-même ne laissait pas de m’intriguer. Pratique parfaite du français, ce qui est en Russie le propre de la haute noblesse, et d’ailleurs, selon lui, éduqué et instruit comme y appartenant. De fait, Nikita Paline est le fils naturel d’un proche du père du grand-duc, le tsar Pierre III, destitué puis assassiné. Son père ayant été exécuté lors du coup d’État de Catherine II, il fut recueilli par la famille du prince Bariatinski. Mais il y a chez Nikita Paline, cethomme d’apparence policée et au caractère égal, une formidable fureur dissimulée. De quoi est-elle composée ? Il sent qu’en dépit des qualités qui sont les siennes, il est condamné à occuper des fonctions subalternes. Il a été entraîné dans des conditions que nous ignorons dans la foule innombrable des espions de la puissance impériale. Il est d’ailleurs curieux que ses origines n’aient pas dressé des obstacles à son entrée dans cette carrière. De fait, dans sa frénésie, il n’éprouve aucune reconnaissance envers le prince Bariatinski, éclatant représentant de la famille qui l’a protégé.
    — Dans ces conditions, demanda Sartine, comment expliquez-vous des meurtres contradictoires ?
    — Les contradictions sont les formes habituelles de cette sorte de folie. Il assassine Rovski parce qu’il en a reçu l’ordre et il tue Pavel parce que ce dernier est un espion de la tsarine. Travaille-t-il pour Paul, le fils du tsar assassiné que servait son père naturel ?
    — Soit, dit Vergennes. Et Dimitri ?
    — Là encore je me réfère aux informations de Corberon. Il existe en Russie des sectes qui poussent jusqu’à l’extrême des formes cruelles de piété. L’ouverture pratiquée sur le corps du secrétaire du prince a montré qu’il avait subi une castration qui est le propre des affidés de cette tendance. Nous possédons le témoignage de la femme de chambre de l’Hôtel de Lévi. La pauvrette était tombée amoureuse de Dimitri. Il n’a cessé de la repousser. Il avait le genre féminin en horreur. Aucune preuve n’indique que les meurtres des filles
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