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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe
Autoren: Jean-François Parot
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puissance et l’influence des despotes et la faiblesse d’esprits aussitôt disposés à abandonner leur libre arbitre. Et d’ailleurs, se disait Nicolas, qu’aurait-il lui-même conclu devant un ordre similaire émanant du roi ?
    Pour bronzé que fût Nicolas aux émotions de ce genre de séances multipliées depuis son entrée dans la police, le cœur lui battit plus fort quand il pénétra dans le cabinet du lieutenant général de police. Au centre Vergennes, à droite Sartine et à gauche Le Noir occupaient trois fauteuils installés derrière le bureau. Les expressions des visages suggéraient autant de considérations muettes. Le ministre des Affaires étrangères, indéchiffrable, laissait apparaître, en dépit de son impassibilité coutumière,quelques signes de désagrément de se trouver là. Sartine arrangeait, en secouant la tête, les marteaux de sa perruque. Le bon visage de Le Noir reflétait la bienveillance envers Nicolas entrant dans l’arène et l’inquiétude qui le tenaillait de le voir dévorer.
    — Monsieur le marquis, nous vous écoutons.
    — Messeigneurs, j’ai été jeté dans la situation particulière de quelqu’un appelé au nom d’un bien supérieur à organiser un mal nécessaire…
    — Monsieur, je vous interromps, dit Vergennes, ne revenons pas sur une mission que vous avez d’ailleurs acceptée et remplie au mieux. Vous n’êtes pas responsable des anicroches que nous connaissons et qui demeurent sans aucune conséquence.
    — Sauf pour le malheureux Dangeville.
    — La mort l’attendait de toute manière, dit Sartine.
    Nicolas soupira. Pourquoi, à cet étage de puissance, se croyait-on obligé de toiser et de morguer la pauvre humanité comme Gulliver les Lilliputiens ? N’auraient-ils pas dû redouter, si grands fussent-ils, que, réunis par l’esprit du siècle, les Lilliputiens n’en viennent un jour à se dresser contre eux pour imposer une autre volonté ?
    — Des situations criminelles sont apparues, toutes deux intéressant des sujets de l’empire russe. D’une part, l’assassinat du comte de Rovski, officier de la garde impériale, favori en disgrâce et en exil de Catherine II. L’autre a touché l’ambassade de Russie où, à la suite de l’opération que vous savez, Dangeville, notre homme, fut surpris et tué, mais également Pavel, le maître d’hôtel du grand-duc. Outre cela, comme les satellites, ces petites planètes qui tournent autour d’une plus grande, nous devons considérer trois crimes atroces commis sur des fillesgalantes par le secrétaire du tsarévitch, Dimitri, alias Ivan Kripaeev, surpris et abattu à Chantilly par les gardes du prince de Condé, et l’assassinat de Richard Harmand, commis à l’hôtel de Vauban, tué et jeté à la Seine. Et je n’évoquerai pour rien les attentats perpétrés contre le commissaire en charge de ces affaires et son inspecteur. Reprenons les choses une par une.
    — Sans être par trop compendieux, jeta Sartine, dont l’énervement croissait au détriment de sa perruque, vous nous présentez tout uni un tableau dont nous ignorons la manière.
    — Ah, certes ! Je pourrais vous développer l’enquête en sa totalité comme papier troué d’un orgue de barbarie, et le gros du menu et le menu du gros ! Vous dire que, jour et nuit, elle nous a menés dans de mauvais lieux, chez divers artisans, la plume et la perruque, chez le joaillier de la couronne et même chez dame Paulet, que nous avons coupé et recoupé ce que nous apprenions, et que nous nous sommes divertis à l’occasion de plaisantes séances à la basse-geôle ! Avec quelques balles et un enlèvement en prime. Le voulez-vous, monseigneur ? Non ? Pour le meurtre du comte de Rovski, je n’entrerai donc pas dans le détail des interrogations et recherches diligentées qui ont permis d’approcher la vérité.
    — Lorsqu’on approche d’un point précis, il se faut méfier des mirages et…
    — Si on laissait Ranreuil s’expliquer, Sartine.
    Vergennes avait coupé sèchement la parole à l’ancien ministre.
    — Le soir de sa mort, le comte de Rovski a reçu plusieurs visites. Tout d’abord celle de M. Smith, alias Galbraith, espion américain mandaté par le Congrès, chargé en Russie de favoriser les intérêtsdes Insurgents et de favoriser des marchés d’armes. L’homme avait corrompu Rovski, escomptant son influence pour faciliter ses négociations. Las ! Les sommes ont été perdues au jeu et
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