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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux
Autoren: Jean-François Parot
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laisser convaincre de ne pas rejoindre la demeure du commissaire Lardin le soir même. En dépit des rondes du guet, l'insécurité était grande etil craignait qu'il ne s'égare et ne s'attire, dans la nuit propice, quelque mauvaise affaire.
    Il tâcha de calmer la fougue du jeune homme en se faisant conter par le menu l'audience du lieutenant général de police, et se fit répéter les moindres détails, n'hésitant pas à relancer le récit par des digressions suivies de nouvelles questions. Il décelait partout des intentions qui nourrissaient d'interminables commentaires.
    Le père Grégoire s'émerveilla à part lui, et malgré son pressentiment initial, que, du petit provincial inconnu encore à moitié assommé par la ville, M. de Sartine ait pu faire si vite un instrument de sa police. Il présumait bien qu'il y avait sous ce quasi-miracle, aussi promptement consommé, un mystère dont les arcanes ne lui apparaissaient pas. Aussi contemplait-il Nicolas avec ébahissement, comme une créature qu'il aurait mise en marche et qui lui aurait soudain échappé. Il en éprouvait une tristesse sans aigreur et ponctuait ses remarques de « Miséricorde » et de « Cela me surpasse » répétés à l'infini.
    L'heure du dîner surprit les deux complices qui se hâtèrent vers le réfectoire. Puis Nicolas s'apprêta pour une nuit qui ne fut guère plus reconstituante que la précédente. Il devait tenter de maîtriser le vagabondage de son imagination. Elle était souvent fiévreuse et débridée et lui jouait de méchants tours, soit en lui faisant apparaître l'avenir sous de funestes auspices, soit, au contraire, en écartant de son esprit ce qui aurait dû être objet de souci et de précautions. Il prit à nouveau la résolution de se corriger et, pour se rassurer, s'assura qu'il savait tirer profit de l'expérience. Pourtant, il retrouva vite l'angoisse familière en songeant que, le lendemain, commençait une nouvelle existence dont il devait se garder de rien imaginer.À plusieurs reprises, alors qu'il s'assoupissait, cette idée le poigna, et il était bien tard quand il sombra enfin dans le sommeil.

    Au matin, après avoir écouté les dernières recommandations du père Grégoire, Nicolas lui fit ses adieux, accompagnés, de part et d'autre, de promesses de se revoir. De fait, le moine s'était attaché au jeune homme et il aurait volontiers continué à l'initier à la science des simples. Il n'avait pas été sans remarquer, au fil des semaines, les qualités sérieuses d'observation et de réflexion de son élève. Il lui fit écrire deux billets pour son tuteur et pour le marquis, qu'il se chargerait d'acheminer. Nicolas n'osa y ajouter un message pour Isabelle, se promettant bien d'user de sa liberté nouvelle pour le faire un peu plus tard.
    À peine Nicolas avait-il franchi les portes du couvent que le père Grégoire gagna l'autel de la Vierge et se mit à prier pour lui.

    Nicolas reprit le même chemin que la veille, mais son pas était plus allègre. Passant devant le Châtelet, il se remémora l'entrevue avec M. de Sartine et un dialogue auquel lui-même n'avait guère participé. Ainsi, il était sur le point d'entrer «au service du roi »... Il n'avait pas, jusque-là, mesuré l'exacte portée de ces paroles. A bien y réfléchir, elles n'avaient pas de sens pour lui.
    Le roi, ses maîtres et le marquis lui en avaient parlé, mais tout cela lui semblait appartenir à un autre monde. Il avait vu des gravures et un profil sur des monnaies et il avait ânonné la liste interminable des souverains, et cela avait autant de réalité pour lui que la succession des rois et des prophètes de l'AncienTestament. Il avait chanté, dans la collégiale de Guérande, le Salve fac regum le 25 août, jour de la Saint-Louis. Son entendement ne faisait pas le lien entre le roi, figure de vitrail et symbole de foi et de fidélité, et l'homme de chair et d'os qui exerçait le pouvoir d'État.
    Cette réflexion l'occupa jusqu'à la rue de Gesvres. Là, de nouveau attentif à ce qui l'entourait, il découvrit avec stupeur une rue qui traversait la Seine. Après avoir débouché sur le quai Pelletier, il se rendit compte qu'il s'agissait d'un pont bordé de maisons. Un petit Savoyard attendant la pratique, la marmotte sur l'épaule, lui apprit que c'était le pont Marie. Se retournant plusieurs fois sur ce prodige, il rejoignit la place de Grève. Il la reconnut pour l'avoir vue un jour sur une estampe, apportée
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