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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux
Autoren: Jean-François Parot
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de la lanterne.
    — Aussi vrai que je m'appelle Rapace, voilà l'équarrissage et les cuves à suif. Les fosses à chaux sont plus loin. Des murs de pourriture sur des toises et des toises, tu peux m'en croire.
    À quelques pas de là, accroupie derrière une carcasse, une ombre avait interrompu la tâche qui l'occupait quand le hennissement du cheval, les jurons des deux hommes et la lueur du falot l'avaient alertée. Elle avait tremblé, croyant dans un premier temps que c'étaient les hommes du guet. Ils patrouillaient de plus en plus souvent afin de débusquer, sur ordres du roi et du lieutenant général de police, les malheureux qui, tenaillés par la faim, venaient disputer aux charognards quelques morceaux du festin.
    Ce fantôme tapi n'était qu'une vieille femme en haillons. Elle avait connu des temps meilleurs et, dans son bel âge, fréquenté les soupers de la Régence. Puis la jeunesse s'en était allée et la belle Émilie était tombée dans la plus sale prostitution, celle des quais et des barrières, et même cela n'avait pas duré.
    Malade, défigurée, elle vendait désormais, dans une marmite roulante, une soupe infâme en matière d'Arlequin dont l'essentiel était constitué des morceaux dérobés à Montfaucon, au risque d'empoisonner ses pratiques et d'infecter la ville et ses faubourgs.
    Elle vit les deux hommes décharger les tonneaux et les rouler avant d'en vider le contenu sur le sol. Comprimant les battements d'un cœur qui l'empêchait d'entendre les propos échangés à l'endroit où se poursuivait une besogne dont elle n'osait comprendre le sens, la mère Émilie écarquillait les yeux pour deviner les deux formes sombres — rouges, lui semblait-il — qui gisaient maintenant près du bâtiment descuves à suif. Malheureusement, la lumière du falot était pauvre et des retours de la tourmente faisaient vaciller sa flamme.
    Sans savoir ce qu'elle voyait, n'osant d'ailleurs rien imaginer, paralysée par une peur sans nom, la vieille était cependant tenaillée par une curiosité qu'accroissait encore l'incompréhension d'un spectacle qu'elle devinait ignoble.
    À présent, l'un des deux hommes disposait à terre ce qui ressemblait à des habits. On battit le briquet, et une lueur jaillit, brève et éclatante. Puis un craquement sec se fit entendre. La vieille se tassa davantage contre la charogne dont elle ne sentait même plus l'âcre exhalaison. Elle ne respirait plus, le souffle bloqué, oppressée par une terreur inconnue. Son sang se glaça, elle ne vit plus rien qu'une lueur grandissante et elle se laissa glisser sur le sol en perdant connaissance.
    Le silence revint autour de l'ancien gibet des hautes œuvres. Au loin, le chariot s'éloignait, emportant avec lui l'écho étouffé des paroles. La nuit régna de nouveau seule et le vent souffla en tempête. Ce qui avait été abandonné sur le sol fut peu à peu animé d'une vie indépendante. La chose semblait onduler et se dévorer de l'intérieur. De petits cris se firent entendre et des combats confus commencèrent. Dès avant l'aube, les grands corbeaux réveillés s'approchèrent, précédant de peu une troupe de chiens...

REMERCIEMENTS
    Ma gratitude s'adresse d'abord à Jacqueline Herrouin, qui a déployé compétence, vigilance et patience pour la mise au point du texte. Elle va aussi à Monique Constant, conservateur général du Patrimoine, pour son aide, sa confiance et ses encouragements. Ma reconnaissance est aussi acquise à Maurice Roisse pour sa relecture intelligente et typographique du manuscrit. Infatigable piéton de Paris, il y fut mon enquêteur. Merci également à Xavier Ozanne pour la touche technique indispensable. Enfin, je salue les historiens dont les ouvrages m'ont entouré et porté dans le travail quotidien de rédaction de ce livre.

I
    LES DEUX VOYAGES
    Paris est plein d'aventuriers et de célibataires qui passent leur vie à courir de maison en maison et les hommes semblent, comme les espèces, se multiplier par la circulation.
    J.-J. Rousseau

    Dimanche 19 janvier 1761
    Le chaland glissait sur le fleuve gris. Des nappes de brouillard montaient des eaux et ensevelissaient les berges, résistant aux pâles lueurs du jour. L'ancre, levée une heure avant l'aube, comme l'exigeait le règlement, avait dû être remouillée tant était encore impénétrable l'obscurité. Déjà Orléans s'éloignait et les courants de la Loire en crue entraînaient rapidement la lourde embarcation. En dépit des
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