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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux
Autoren: Jean-François Parot
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plus grand secret. Tu ne sais rien, Nicolas, dit-il en mettant un doigt sur sa bouche. Rappelle-toi que cette grande charge avait été créée par l'aïeul de notre Roi — que Dieu le garde, ce grand Bourbon. Le peuple se souvient encore de M. d'Argenson qu'il appelait « le damné », tant il en avait le visage et les formes.
    Il jeta brusquement un pot d'eau sur un braseroqui s'éteignit en grésillant et en dégageant une fumée âcre.
    — Mais assez sur tout cela, je parle trop. Prends ce billet. Demain matin, tu descendras la rue de Seine et tu longeras le fleuve jusqu'au Pont-Neuf. Tu connais l'Île de la Cité, tu ne peux t'égarer. Tu traverseras le pont. À main droite, tu suivras le quai de la Mégisserie. Il te conduira au Châtelet.

    Nicolas dormit peu cette nuit-là. Sa tête résonnait des propos du père Grégoire et il mesurait sa propre insignifiance. Comment, seul à Paris, coupé de ceux qu'il aimait, doublement orphelin, trouverait-il l'audace d'affronter un homme si puissant, qui approchait le roi et dont tout laissait en effet pressentir qu'il aurait sur son destin un effet décisif?
    Il tenta en vain de chasser la fièvre qui lui martelait le crâne, et chercha à fixer une image paisible qui apaiserait son esprit. Le fin profil d'Isabelle apparut, le replongeant dans d'autres incertitudes. Pourquoi la fille de son parrain, sachant qu'il quittait Guérande pour longtemps, s'était-elle éloignée sans lui dire au revoir ?
    Il revoyait la levée de terre au milieu des marais où ils s'étaient tous deux juré foi et amour. Comment avait-il pu la croire et être assez fou pour seulement imaginer que l'enfant trouvé dans un cimetière pouvait lever les yeux sur la fille du haut et puissant seigneur de Ranreuil ? Et pourtant, son parrain avait toujours été si bon avec lui... Cette pensée tendre et amère l'emporta finalement et, aux alentours de cinq heures, il s'endormit.
    Ce fut le père Grégoire qui le réveilla une heure plus tard. Après avoir fait ses ablutions, il s'habilla,se coiffa soigneusement et, poussé par le religieux, il se jeta dans le froid de la rue.
    En dépit de l'obscurité, cette fois il ne s'égara pas. Devant le palais Mazarin, le jour levant faisait peu à peu sortir de l'ombre l'ensemble des bâtiments. L'agitation était déjà intense sur les rives du fleuve, semblables à des plages boueuses. Çà et là, des groupes se tenaient serrés autour de feux allumés. Les premiers cris de Paris éclataient de toutes parts, signe que la ville s'éveillait.
    Il fut soudain bousculé par un garçon limonadier qui, ayant failli faire tomber son plateau de « bavaroises», jura sourdement. Nicolas avait goûté cette boisson, jadis mise à la mode par la princesse Palatine, mère du Régent. C'était, lui avait expliqué le père Grégoire, un thé chaud, sucré avec un sirop de capillaire. Le Pont Neuf était déjà noir de peuple lorsqu'il s'y engagea. Il admira la statue d'Henri IV et la pompe de la Samaritaine. Les ateliers du quai de la Mégisserie commençaient à ouvrir, les compagnons s'attelant à leur journée de travail dès le lever du soleil. Il parcourut cette berge nauséabonde, le mouchoir sur le nez.
    Le grand Châtelet, sévère et sombre, se profila devant lui. Il le devina plus qu'il ne le reconnut. Il s'engagea, indécis, sous une voûte faiblement éclairée par des lanternes à huile. Un homme, en longue robe noire, le dépassa. Nicolas l'apostropha:
    — Monsieur, je requiers votre aide. Je cherche le bureau de M. le lieutenant général de police.
    L'homme le toisa de bas en haut et, après un examen sans doute concluant, lui répondit, l'air important :
    — M. le lieutenant général de police tient son audience particulière. D'habitude il se fait représenter, mais aujourd'hui, M. de Sartine inaugure sacharge et la présidera en personne. Vous savez sans doute que ses services se trouvent rue Neuve-Saint-Augustin, près de la place Vendôme, mais qu'il conserve un bureau au Châtelet. Voyez ses gens au premier étage. Il y a un huissier à la porte, vous ne pouvez vous tromper. Avez-vous l'introduction nécessaire ?
    Prudemment, Nicolas se garda de répondre, prit congé poliment et s'en fut vers l'escalier. Au bout de la galerie, une fois franchie la porte vitrée, il trouva une salle immense aux murailles nues. Un homme était assis à une table de sapin, qui semblait ronger ses mains. En s'approchant, Nicolas comprit qu'il s'agissait d'un
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