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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux
Autoren: Jean-François Parot
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de ces biscuits, sec et dur, dont usaient les marins.
    — Monsieur, dit-il, je vous salue et vous serais obligé de m'indiquer si je puis être reçu par M. de Sartine.
    — Voilà bien de l'audace, M. de Sartine ne reçoit pas!
    — Permettez-moi d'insister. (Nicolas sentait que tout dépendrait, en effet, de son insistance et il s'efforça d'affermir sa voix.) J'ai, monsieur, audience ce matin.
    Par une habileté instinctive, Nicolas agita devant le visage de l'huissier la grande missive scellée d'un sceau armorié du marquis de Ranreuil. Eût-il montré le petit billet du prieur qu'il aurait sans doute été immédiatement éconduit. Son coup d'éclat ferma la bouche à son interlocuteur qui, bougonnant, saisit respectueusement la lettre et lui désigna un banc.
    — Comme vous voudrez, mais vous allez devoir attendre.
    Il alluma sa pipe et se cantonna dès lors dans un silence que Nicolas aurait bien voulu rompre pourdissiper son angoisse. Il en fut réduit à considérer la muraille. Vers onze heures, la salle s'emplit de monde. Un petit homme en tenue de magistrat, un maroquin sous le bras, entra, enveloppé d'un bruissement de propos respectueux. Il disparut par une porte dont l'entrebâillement laissa entrevoir un salon brillamment éclairé. Quelques instants après, l'huissier gratta à la porte et disparut à son tour. Quand il revint, il fit signe à Nicolas d'entrer.

    La robe du magistrat gisait à terre et le lieutenant général de police, en habit noir, se tenait debout devant un bureau de bois précieux dont les bronzes luisaient faiblement. Il lisait la lettre du marquis de Ranreuil avec une attention que marquait la crispation de son visage. Le bureau était une pièce disproportionnée, mêlant la nudité de la pierre et du sol carrelé aux splendeurs du mobilier et des tapis. Plusieurs chandeliers allumés, dont les lumières s'ajoutaient aux rayons d'un pâle soleil d'hiver et aux rougeoiements du feu dans la grande cheminée gothique, éclairaient le visage ivoirin de M. de Sartine. Il paraissait plus vieux que son âge. Son front, haut et dégarni, frappait dès l'abord. Ses cheveux naturels, déjà grisonnants, étaient soigneusement coiffés et poudrés. Un nez pointu accentuait la sécheresse des angles d'un visage éclairé de l'intérieur par deux yeux gris fer, pétillants d'ironie. La taille petite, mais redressée, soulignait la sveltesse du personnage sans pour autant diminuer l'autorité et la dignité qui en émanaient. Nicolas sentit la panique l'envahir, mais il se souvint des leçons de ses maîtres et calma le tremblement de ses mains. Sartine, maintenant, s'éventait avec la lettre, considérant son visiteur avec curiosité. De longues minutes s'écoulèrent.
    — Comment vous nommez-vous? demanda-t-il brusquement.
    — Nicolas Le Floch, pour vous servir, monsieur.
    — Me servir, me servir... Nous verrons cela. Votre parrain me dit de fort bonnes choses sur votre personne. Vous montez, vous êtes habile aux armes, possédez des notions de droit... C'est beaucoup de choses pour un clerc de notaire.
    Il se leva et, les mains sur les hanches, se mit à tourner lentement autour de Nicolas qui rougit devant cette inspection accompagnée de ricanements et de petits rires aigus.
    — Oui, oui, vraiment, ma foi, c'est fort possible..., poursuivit le lieutenant général.
    Sartine considéra la lettre pensivement, puis marcha vers la cheminée et l'y jeta. Elle s'embrasa dans un éclair jaune.
    — Peut-on, monsieur, faire fond sur vous ? Non, ne me répondez pas, vous ignorez à quoi cela vous entraîne. J'ai des projets sur vous et Ranreuil vous donne à moi. Savez-vous? Non, vous ne savez rien, rien.
    Il passa derrière son bureau et s'assit, se pinça le nez puis considéra à nouveau Nicolas qui fondait dans son habit, le dos au feu crépitant.
    — Monsieur, vous êtes bien jeune et je m'engage beaucoup en vous parlant avec ouverture comme je le fais. La police du roi a besoin d'honnêtes gens et j'ai, moi, besoin de serviteurs fidèles qui m'obéiront aveuglément. Entendez-vous?
    Nicolas se garda bien d'acquiescer.
    — Ah! Je vois que l'on comprend vite.
    Sartine se dirigea vers la croisée et parut captivé par ce qu'il voyait.
    — Beaucoup à nettoyer..., marmonna-t-il. Avecles moyens du bord... Pas plus, pas moins. N'est-ce pas?
    Nicolas avait pivoté pour faire face au lieutenant général.
    — Il convient, monsieur, que vous accroissiez vos connaissances en droit.
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