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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux
Autoren: Jean-François Parot
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l'affaissement des joues. Le teint livide était marqué par endroits de taches olivâtres. Il parlait à voix basse, l'air languissant presque abattu. Parfois Nicolas sentait ce regard se poser sur lui avec une sorte d'interrogation muette, puis aussitôt se détourner.
    Assis à côté du roi, la dame, que Nicolas supposa être la marquise de Pompadour, offrait une apparence qui correspondait assez peu à l'idée qu'il pouvait se faire de la favorite. Il fut étonné par l'espèce d'habit enveloppant, fermé jusqu'au cou, dont elle était vêtue. Les manches pendaient jusqu'aux poignets et cachaient les mains. Il se souvint de méchants propos entendus et selon lesquels ce vêtement était celui d'une dame peu réputée pour la beauté de ses mains et l'agrément de sa gorge. La chevelure cendrée était à demi enveloppée dans un capuchon qui tenait au mantelet de la robe. Sa couleur, gorge-de-pigeon tirant sur le gris, était à l'unisson de celle de l'habit du roi sur lequel tranchait le bleu du Saint-Esprit. Le visage, qui conservait son ovale parfait et ses yeux bleus bien fendus, parut cependant trop couvert de rouge au goût de Nicolas. Pourtant l'ensemble était presque austère. Lui revinrent en mémoire les rumeurs qui prêtaient à la marquise la volonté de prendre Mme de Maintenon pour modèle. Elle souriait, mais son expression demeurait figée. Il en conclut que cette apparence dissimulait une inquiétude et une souffrance. La marquise portait de temps en temps un regard à la fois adorant et angoissé sur le roi qui, de son côté, lui témoignait son attachement par une multitude de petites attentions. Nicolas respirait mieux, il avait l'impression de se trouver dans une réunion de famille.
    — Voilà donc votre protégé, Sartine, auquel nous avons bien des obligations. La Borde m'en avait parlé.
    Le lieutenant général ne dissimula pas son étonnement.

    — Je ne savais pas M. Le Floch aussi couru, Sire.
    Le roi fit un geste vers Nicolas.
    — Monsieur, je veux entendre de votre bouche le récit d'une affaire qui intéressait une cause bien précieuse. Je vous écoute.
    Nicolas se jeta à l'eau sans réfléchir. Il jouait sans doute son avenir et d'autres, à sa place, eussent saisi leur chance en usant de toutes les facilités et en déployant toutes les séductions. Il choisit d'être simple, clair, pittoresque sans excès, suggérant plus que décrivant, évitant de se mettre en avant et rendant à M. de Sartine beaucoup plus qu'il ne lui devait. Le roi l'interrompit à plusieurs reprises pour des précisions sur l'ouverture des corps, avant d'y renoncer sur la prière de Mme de Pompadour que ces détails morbides effrayaient. Nicolas sut être modeste avec éclat et plein de feu quand l'action l'exigeait. Il intéressa sans lasser. Le roi, tout à ce récit, semblait avoir rajeuni; son regard brillait d'un éclat renouvelé. Nicolas conclut et s'effaça d'un pas. La marquise, avec un sourire charmant, lui tendit à baiser une main qui parut au jeune homme bien fiévreuse.
    — Merci, monsieur, dit-elle, nous vous devons beaucoup. Sa Majesté, j'en suis sûre, n'oubliera pas vos services.
    Le roi se leva et fit quelques pas.
    — Le roi est le premier gentilhomme du royaume, comme disait mon aïeul, Henri le quatrième, et saura récompenser le fils d'un de ses plus fidèles serviteurs, un de ces nobles Bretons qui, il y a trois ans, ne ménagèrent pas leur zèle et leurs peines contre l'Anglais 88 .
    Nicolas ne comprenait rien à ces paroles qui luisemblaient s'adresser à quelqu'un d'autre. Sartine demeurait impassible. La Borde avait la bouche ouverte. La marquise regardait le roi d'un air surpris.
    — Je dis bien le fils d'un de mes serviteurs, reprit le roi. Monsieur, dit-il en regardant Nicolas, votre parrain, le marquis de Ranreuil qui vient de nous quitter et dont je n'oublie pas les services, m'a fait tenir une lettre par laquelle il vous reconnaît et légitime comme son fils naturel. C'est mon bon plaisir de vous l'apprendre et de vous restituer le nom et les titres qui sont les vôtres.
    Un silence profond suivit ces paroles. Nicolas se jeta aux pieds du roi.
    — Sire, je supplie Votre Majesté de me pardonner, je ne puis accepter.
    Le roi eut un mouvement de la tête en arrière.
    — Et pour quelles raisons, monsieur ?
    — Accepter Votre Majesté, serait être peu fidèle au souvenir de mon... de mon père, et priverait Mlle de Ranreuil d'un héritage qui lui revient de
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