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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux
Autoren: Jean-François Parot
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à peu l'homme qu'il était devenu. La voix autoritaire de son parrain résonnait encore en lui. Le vieil aristocrate lui avait toujours manifesté une affection sans retenue. Nicolas regrettait qu'un destin mauvais les eût opposés et entraînés à un différend sans remède. L'image affaiblie d'Isabelle s'imposa puis disparut, pour laisser la place à un désespoir sans issue.
    Le jour suivant s'annonça avec son cortège d'obligations. La demeure de la rue Montmartre était révolutionnée par des préparatifs fiévreux. Nicolas s'efforça d'endormir sa peine sous la succession des détails que nécessitait sa tenue. Un barbier fut appelé, qui le rasa et, pour la première fois, le jeune homme dut dissimuler sa chevelure naturelle sous une perruque poudrée. Après avoir revêtu son habit et noué la précieuse cravate, il se regarda dans un miroir et ne reconnut pas l'homme au regard sombre qui lui apparut. Un fiacre le conduisit à l'Hôtel de Gramont, où il devait retrouver M. de Sartine. Il attendit un long moment dans le grand salon. Le lieutenant général de police le prit d'abord pour un étranger. Puis, la main sur les hanches, il fit le tour du jeune homme en approuvant de la tête. Enchanté, il le complimenta sur sa tenue.

    Dans le carrosse qui les conduisait à Versailles, M. de Sartine respecta le silence de Nicolas. Sans doute pensait-il qu'il traduisait l'émotion légitime dans laquelle un événement de cette importance devait forcément plonger le jeune homme. Or, Nicolas, qui ne connaissait pourtant ni Versailles ni la Cour, était à cent lieues d'un tel sentiment. Détachéde toute chose, il considérait l'agitation des rues. Tous ces passants anonymes disparaîtraient un jour, tous ceux qui se mouvaient sans un regard pour leur voiture et dont lui-même observait les mouvements sans distinguer les visages. Eux, Sartine et lui-même, étaient des spectres en survie. L'avenir n'était que l'approche progressive d'une fin énigmatique qui viendrait à son heure. Qu'importait alors le jeu d'une existence consacrée à regretter le passé et à redouter la suite sans fin des chagrins et des deuils ?
    Ils approchaient de Versailles. Nicolas fit appel à toute la foi de son enfance et soupira comme pour soulager le poids des choses inexprimées qui écrasait sa poitrine.
    M. de Sartine se méprit sur son mouvement. Il n'attendait qu'un signe pour rompre un silence qui d'évidence lui pesait. Bonhomme, il entendait rassurer Nicolas. Il discourait sur la Cour en connaisseur. Versailles, disait-il, avait perdu sous le règne actuel l'éclat que Louis XIV lui avait donné. Le roi le délaissait souvent. C'était alors une vraie solitude, et il n'y restait personne que ceux qui ne pouvaient s'en dispenser. En revanche, quand le souverain était présent, les courtisans s'y pressaient, chassaient avec lui mais se hâtaient, dès qu'ils le pouvaient, de regagner Paris et ses plaisirs. La plupart des ministres logeaient d'ailleurs dans la capitale.
    Nicolas admira l'immense avenue qui traversait une ville aux bâtiments clairsemés au milieu de parcs et de jardins. La presse des voitures augmentait. Il se pencha par la portière et aperçut, dans l'éblouissement de cette journée de printemps, une masse imposante légèrement enveloppée de brume. Le bleu des ardoises, des éclats d'or, le jaune clair des pierres et les masses rouges de la brique annonçaient le Palaisdes Rois. Le carrosse déboucha bientôt sur la place d'Armes emplie d'une multitude de voitures, de chaises et de piétons. Il franchit la première grille monumentale décorée des armes de France pour entrer dans une première cour. Il s'arrêta devant une seconde grille, qui défendait l'accès de la cour royale. Sartine apprit à Nicolas que cette partie protégée s'appelait « le Louvre » et que seuls les carrosses ou les chaises dont les housses rouges attestaient que leurs occupants jouissaient des « honneurs » du palais pouvaient y pénétrer. Ils descendirent de la voiture que le cocher alla ranger de côté. Les deux gardes en justaucorps bleu rayé de longs galons d'or et d'argent à revers rouges les saluèrent avant qu'ils ne se dirigent vers les bâtiments à leur droite.
    Nicolas, perdu, suivait M. de Sartine qui, d'un pas pressé, se frayait un chemin au milieu d'une foule de curieux et de courtisans. Il eut l'impression de pénétrer dans un gigantesque labyrinthe de galeries, de corridors et d'escaliers de toutes
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