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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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étage d’une modeste
maison qui offrait une vue dégagée sur le port de Toulon. Ainsi aimait-il, au
matin, que la première chose qu’il vit fût la mer et la forêt des mâtures des
navires à quais.
    Il lui venait souvent la nostalgie de son
domaine en la région de Saint-Vaast-La-Hougue, en terre de Normandie. Lorsqu’il
ne naviguait point, là était sa vie, dans ce vieux château battu par les vents
et les flots, achevé en l’an 1111 et qui avait résisté à toutes les attaques
comme aux plus longs sièges. Landes, forêts et étangs voisinaient et l’on n’y
manquait jamais ni de bois, ni de gibier, ni de poissons.
    Le comte soupira. Il se sentait seul. Seul sur
son navire où il ne se livrait à qui que ce fût, confidences et épanchements
nuisant, selon l’entendement qu’il en avait, à l’autorité du commandement. Seul
dans la vie où, hors certains de ses officiers, il n’avait su se faire des amis
car on le trouvait trop silencieux, réservé, retranché en l’intérieur de
lui-même, laissant supposer une âme que la plupart, sans rien savoir, pensaient
terrifiante tant Nissac au combat dégageait une impression de force, voire de
violence.
    Seul, enfin, car bien loin des choses de l’amour.
Au long de ses interminables séjours en mer, il eût aimé, comme tant de ses
marins, pouvoir songer à une femme qui fût sienne. Il n’avait connu qu’une
aventure et en gardait un goût d’amertume. Jeune officier de vingt ans, et
alors que son navire relâchait à Bordeaux, il s’était laissé entraîner dans une
auberge. Ne connaissant point les effets de l’eau-de-vie, qu’il buvait pour la
première fois, et tandis que la tête lui tournait, il s’était retrouvé bientôt
dans une chambre petite et propre. Il se souvenait parfaitement d’une jeune
serveuse montée avec lui. Il revoyait ce beau corps dénudé, et se souvenait d’une
grande douceur précédant un acte rapide et violent.
    Puis, avec mélancolie, la jeune femme l’avait
assuré que bientôt, il oublierait jusqu’à son souvenir.
    La jeune serveuse se trompait grandement. Nissac
se rappelait son visage, son sourire et son regard. Certes, il eût donné sa vie
pour elle mais la chose ne prouvait rien. Chez les Nissac, de vieille tradition,
on n’hésitait point à sacrifier sa vie pour une femme, qu’elle fût jouvencelle
ou de grand âge, princesse ou fille de ferme, jolie ou fort laide : la
chose allait d’elle-même sans souffrir de discussion. Mais Nissac, qui n’en
avait point l’expérience, soupçonnait qu’entre une vie qu’on sacrifie par
devoir, et celle qu’on offre avec bonheur, la différence pourrait bien s’appeler
l’amour…
    Il revint en l’intérieur de la chambre et
rangea avec grand soin ses objets de toilette : le nécessaire à ongles comprenant
différentes lames, le cure-oreille en os sculpté, le peigne à double rangée de
dents et la pomme d’ambre bourrée d’épices contre d’éventuelles mauvaises
odeurs.
    Il ne savait trop que faire de son temps, bien
qu’il attendît deux visites en la matinée. Déjà, nombre d’anciens galériens, ceux-là
mêmes qu’il avait libérés, s’en étaient venus le remercier : armateurs ou
négociants, officiers ou simples marins, tous capturés par les barbaresques.
    Aux plus fortunés, qui lui proposaient de l’or
pour manifester leur gratitude, le vice-amiral avait d’abord opposé un refus
hautain puis, changeant brusquement d’avis, il avait suggéré qu’on utilise
toutes ces bourses à bien pourvoir son équipage en nourriture et eau-de-vie.
    Il en fut ainsi fait, très au-delà des espérances
du comte. S’en allant bientôt visiter son bâtiment, Nissac, épouvanté, avait vu
son vaillant équipage dévorer des montagnes de viande, tituber à demi ivre sur
les ponts ou traîner en les endroits reculés du navire avec des ribaudes, gueuses
et prostituées. On jasait en le port de Toulon, présentant Le Dragon Vert de l’austère vice-amiral de Nissac comme un lieu de débauche et de perdition. Mais
l’Amirauté, connaissant le caractère ombrageux du comte par ailleurs tout
encore auréolé de sa double victoire sur les barbaresques, préféra fermer les
yeux.
    Le premier des deux visiteurs qu’il attendait
se présenta bientôt. Du même âge que Nissac, grand et bel homme, le baron
Stéphan de Valenty était un ancien capitaine d’un régiment de Provence qui
comptait s’installer à Paris peu avant sa capture.
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