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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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toujours, pardonna.
    — Tu ne nous trahiras pas, pourriture, car
tu regretterais alors le jour où ta mère, cette chienne, te mit bas !
    Le duc ne songea pas même que nul, jamais, n’avait
osé lui parler ainsi. La peur le tenait tout entier, et il ne souhaitait plus
que vivre, fût-ce à plat ventre en ses excréments, mais vivre le plus loin possible
de cette horrible petite voix qui avait pris, par quelque maléfice, possession
de sa volonté, était entrée par sortilège au-dedans de lui-même pour en faire
sa chose dévouée.
    Il répondit faiblement :
    — Je ne vous trahirai jamais !
    — Tu parles à ton maître, je veux l’entendre.
    — Je ne vous trahirai jamais, Maître !
    — C’est mieux ainsi que tu viens de dire,
mais ce n’est point suffisant. Tu es rompu à l’intrigue, tu y excelles et peux
t’y montrer de bonne finesse mais tu es arrogant, cupide, toujours en grandes
fâcheries pour broutilles dignes d’enfant stupide. Il est presque impossible, dit-on,
d’avoir bon commerce naturel avec toi.
    Le duc remarqua la parfaite immobilité de la
femme au masque de comédie quand la silhouette du moine semblait par instants s’agiter.
Celui-là parlait et dominait : quel redoutable instrument pour qui saurait
se gagner cette créature, la trouvant toujours affectionnée à lui faire service !
    La voix du duc gagna un peu en assurance :
    — Je suis en bonne résolution de vous
servir toujours avec fidélité.
    — Es-tu prêt à tout ?
    — À tout !
    — Trahir, donc, mais aussi tuer, voler, blasphémer ?
    — À tout cela car je me donne à vous !
    — Comme tu donnas ton jeune et joli corps
à Henri le troisième afin qu’il en dispose comme on le fait avec celui d’une
femme dont tu imitais si bien les soupirs pâmés tandis qu’il t’imposait sa mâle
ardeur… « archimignon » ?
    En prononçant ces paroles, la petite voix s’était
un instant faite moqueuse.
    Le tout-puissant duc d’Épernon baissa la tête.
On ne parlait jamais, en sa présence, de ce passé-là, vantant au contraire la
qualité de ses maîtresses.
    Des souvenirs pénibles lui revinrent en
mémoire, puis les visages des mignons d’Henri troisième : Carnavalet, Saint-Luc,
François d’O, Caylus… Et enfin, après les mignons, les archimignons, Joyeuse et
lui-même, des petits seigneurs sans grande importance devenus ducs parce qu’un
roi le désirait ainsi en son caprice. Le pouvoir, les revenus fabuleux, les
honneurs, les regards haineux et difficilement soumis de la véritable haute
noblesse pliant devant ceux que le maître du royaume appelait sa « chère
bande » et qu’il utilisait, hors les plaisirs du lit, pour humilier les
tenants des maisons princières ou ducales, tels les Guise.
    Le duc d’Épernon ne se leurrait point sur
lui-même. Jeune, très jeune, il avait par ses charmes conquis des avantages qu’il
n’entendait point perdre. Insolent, voué à un homme, pervers, épris d’élégance
en la tenue, il savait le plaisir délicieux de la richesse et du pouvoir s’il
souhaitait en oublier aujourd’hui le prix payé à cette époque.
    Aujourd’hui…
    Il chancela légèrement. Il n’était plus cette
jeune et jolie créature qui se fardait, se parfumait et se frisait. Il avait
vieilli et le souvenir de son enfance en un vieux château froid et boueux lui
était insupportable car le duc n’ignorait point que ce qui ne monte pas
périclite…
    — Te voilà bien songeur !… reprit la
petite voix méchante.
    — Je suis en la résolution de vous servir,
mais qui êtes-vous ?…
    La femme tendit la main et l’ouvrit. Fasciné, d’Épernon
reconnut le sceau du roi Henri quatrième. Déjà, la main se refermait et
disparaissait la marque de la toute-puissance.
    D’Épernon fut pris d’un doute : était-il
possible que cette femme fût…
    La petite voix cruelle ne lui laissa point le
temps de réfléchir plus avant :
    — Tu veux la richesse, la puissance et la
gloire ?… Elles sont tiennes si tu sais obéir, ne pose pas de questions et
ne cherche pas à comprendre ce qui n’est point pour ton esprit.
    — Il en sera ainsi.
    Ayant répondu en cette façon qu’il montrait
grande soumission, d’Épernon attendit, mais la femme et le moine à la petite
voix méchante restèrent sans un mot.
    En la personne du duc, la peur fléchit, sans
cependant disparaître, et vint une grande lassitude. S’il sortait vivant des
souterrains en les ruines de ce
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