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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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les canonniers du Dragon Vert dématèrent
la galère qui, aussitôt, n’avança plus qu’à force de rames sans tirer quelconque
avantage du vent qui ne mollissait point.
    Nissac revint alors vers la caraque qui allait
en perdition. Impitoyablement, les canonniers achevèrent le vaisseau pirate
sans que celui-ci, dans l’impossibilité qui lui était faite de manœuvrer, pût
jamais riposter avec quelque efficacité. Bientôt, le navire se coucha sur le
flanc, l’eau entrant à flots par les sabords restés ouverts. Puis la caraque, tel
un animal blessé, se dressa proue en l’air et s’enfonça dans la mer où elle
disparut en un déchirant craquement de bois qui sembla longue plainte humaine.
    Mâchoires serrées, ses yeux gris soudain
inexpressifs, le comte de Nissac fit achever les survivants par les canonniers
et les archers.
    — Il est fort cruel ! souffla un
mousse à un charpentier.
    Celui-ci haussa les épaules et répondit à
mi-voix :
    — Fais silence, morveux : l’amiral
appartient à la marine de guerre et sait des choses. Ramenés à terre, les
pirates, par ordre du gouverneur, seraient pendus jusqu’au dernier et sans
pitié. À cette fin infamante, monsieur le comte préfère leur offrir mort de
marin, le sabre à la main. Dieu, lui, le sait sans doute ! Et tout l’équipage
aussi. Mais l’amiral doit se tourmenter pour le salut de son âme et nous
pouvons prier pour lui.
    Le comte de Nissac observa un instant les
corps de pirates qui flottaient sans vie à la surface de l’eau puis il s’ébroua
et donna commandement de revenir à la galère fort mal en point.
    Il ordonna un tir rasant qui balaya une
nouvelle fois le pont et s’approcha pour l’abordage. Parmi ses hommes, si tous
faisaient silence, certains, les plus belliqueux, tenaient grief à leur chef
pour sa manière de conduire la guerre. Avec un grand esprit de méthode, Nissac
utilisait les armes sans retenue pour ne mettre en jeu la vie de ses hommes que
lorsque les risques devenaient presque inexistants. Cette manière d’économie, où
l’homme devenait une valeur sacrée, offrait contraste notable avec celle des
autres capitaines de ce temps et la majorité des marins, qui ne l’ignoraient
pas et tenaient à la vie, vénéraient leur chef pour cette raison même.
    Mais le comte de Nissac n’exigeait jamais rien
de ses marins qu’il ne fût en mesure d’exécuter lui-même. Cependant, ses façons
déconcertaient toujours son équipage. Nul n’ignorait sa froideur ni sa très
haute et très ancienne noblesse mais tous s’émerveillaient quand il s’élançait,
toujours le premier, à l’abordage.
    Un pistolet dans chaque main, le sabre entre
les dents, il sauta sur le pont de la galère, vida ses armes sur deux
barbaresques et en entreprit trois avec son sabre. En situation de grand
enthousiasme, tous le suivirent : la cinquantaine de soldats, les
canonniers, les hommes de la soute à poudre, les charpentiers tenus en réserve
pour réparer les dégâts et calfater en tous endroits nécessaires, et jusqu’au
mousse, au cuisinier et au chirurgien… C’est ainsi près de cent quatre-vingts
hommes hurlant et déchaînés qui prirent à partie une cinquantaine de pirates. Ceux-ci,
entendant hurler qu’il ne serait point fait quartier, préférèrent se jeter à la
mer dans l’espoir de s’accrocher à quelques épaves.
    Nissac feignit de ne les point voir…
    Puis ce fut le silence et chacun s’immobilisa
tandis que Nissac, une hache à la main, approchait des rameurs enchaînés. Dissimulant
sa grande compassion, il observa ces dos arrondis et maigres où les cicatrices
enkystées des coups de fouet faisaient vilaines boursouflures. Enfin il leva la
hache et brisa la première chaîne en disant d’un ton las :
    — Vous êtes libres. Vous n’auriez jamais
dû cesser de l’être.
    Puis, à son second :
    — Monsieur Paray des Ormeaux, veillez à
ce que ces hommes soient promptement soustraits aux chaînes qui les entravent
et installez un équipage de prise tandis que nos charpentiers dresseront un mât
de fortune.
    Et, tandis qu’on se retenait de respirer, il
regagna le château arrière du galion où se trouvait sa cabine. Déjà, enfermé en
lui-même, il ne voyait ni n’entendait plus personne.
    Il resta longtemps debout près de la table, regardant
sans les voir le sablier, le compas, les cartes et le bâton de Jacob. Puis lui
vinrent les bruits du dehors. Des marins jouaient aux dés,
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