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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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vieux château fort, d’Épernon savait déjà qu’il
ne serait plus tout à fait le même homme. Viendraient comme on le lui en
faisait promesse la puissance et la gloire, mais leur goût serait bien fade car
on venait de tuer quelque chose à l’intérieur de son âme.
    Son honneur et l’estime qu’il avait de
lui-même s’évaporaient comme rosée au soleil du matin.
    Il s’imagina sortant d’ici, la brute allemande
sur les talons. Et ainsi de la suite : son cheval hésitant sur les mauvais
chemins, les flaques gelées réfléchissant la lune tandis que le givre
blanchirait l’herbe courte des prairies et que les sombres branches des arbres
dépouillés brilleraient par endroits de la glace qui s’y serait formée. Il
imagina même un corbeau solitaire croassant vers les étoiles et il y verrait un
tel désespoir, en ce paysage de désolation battu par le vent, qu’il
frissonnerait de la tête aux pieds et rabattrait sur ses yeux son chapeau aux
belles plumes noires.
    La petite voix méchante reprit :
    — D’Épernon, cesse de penser que tu n’es
rien et que tu n’as plus d’honneur car d’honneur, tu n’en eus jamais. Et cesse
de penser à ta pauvre âme livrée à la désolation de l’hiver !…
    Le duc sursauta : quoi, se pouvait-il que
cette créature infernale lise ainsi dans ses pensées ou bien avait-elle si
grande connaissance des hommes qu’elle devinait ce qui agitait l’esprit en un
instant précis ?
    Quelle que fût la réponse, il ne pouvait
lutter et choisit de totalement abdiquer :
    — Parlez, Maître : j’obéirai.
    — Soit !… Mais je ne suis que l’instrument
d’une puissance supérieure, sache-le !… Duc, tu es un homme riche et
puissant et, si tu consacres dorénavant ta vie à une seule tâche, il n’est
point douteux que tu réussiras !
    — Je réussirai, Maître !
    — Nous t’avons fait approcher, nous
savons ce que tu penses : tu es prêt à tuer la bête puante qu’on nomme
Henri le quatrième.
    — J’y suis résolu, Maître, et pensais
bien venir ici en ce dessein.
    — Mais si tu tiens le glaive toi-même, tu
n’y survivras pas et ce n’est point ainsi que tu songes à l’avenir.
    — Vous savez tout de moi, Maître.
    — Nous t’aiderons. Toi, tu dois nous
représenter auprès de quelques-uns qui vont s’engager en cette noble entreprise
et tu dois aussi trouver celui qui tiendra le glaive de la justice de Dieu.
    — Je le trouverai, Maître. Au bout du
monde si semblable chose est nécessaire.
    — Trouve où tu veux mais trouve sans
tarder. Et rencontre ceux qui ont accoutumée de se révolter dès qu’on touche
leurs privilèges, rassemblez-vous en une seule compagnie et joignez vos forces
car on n’est jamais trop nombreux pour abattre un roi de France. Et n’oublie
pas : à toute heure, en tous lieux, nos regards seront sur toi.
    À cet instant, la muraille coulissa et la
femme s’engouffra en cette ouverture, suivie par un moine de petite taille se
trouvant jusqu’ici dissimulé derrière celui qui faisait face et ne bougea point.
    Interloqué qu’il se fût ainsi trouvé deux
moines, le plus fort cachant un second qui venait de fuir, d’Épernon mit
quelques instants à trouver bonne contenance.
    — Maître !… murmura le duc avant que
de reprendre ce mot plusieurs fois, en haussant le ton.
    S’enhardissant, il approcha du moine immobile
et vit l’Allemand à son côté, qui tendait la main à travers les barreaux pour
saisir la bougie.
    Enfin, von Hoflingen leva la bougie à hauteur
du visage du moine.
    D’un même mouvement, le duc et le baron
reculèrent en retenant cri d’effroi.
    — Quelle horreur !… murmura d’Épernon.
    Dietrich von Hoflingen approcha de nouveau la
bougie afin qu’on vît complètement le visage du moine mais de visage, il n’était
point, seulement grande pourriture où couraient de gros vers.
    En la profondeur des souterrains, les deux
hommes entendirent un petit rire méchant, sec, interminable.
    — Il faut quitter au plus vite ce lieu
infernal, monsieur le duc !… dit le baron en tirant par la manche un d’Épernon
fasciné par le visage décomposé qui lui faisait face.
    De nouveau, plus proches et plus pressants, des
loups se répondirent par leurs sinistres hurlements.

4
    Déclinant les offres des autorités de se rendre
à un banquet en son honneur, Thomas de Pomonne, comte de Nissac et vice-amiral
des mers du Levant, regagna son logis habituel au premier
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