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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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1
    DÉCEMBRE
1609…
    Au plus profond d’une
nuit glacée, le vent soufflait en violentes rafales et on eût dit hurlements d’un
loup au désespoir.
    Bien qu’il fût en selle, tenant serrée la
bride de son cheval, l’homme frissonna.
    C’était un de ces instants de grand trouble où
la vie elle-même semble relever d’un rêve incertain, proche du cauchemar, lorsqu’on
s’éveille en se dressant tout soudainement, inondé d’une sueur glacée et l’âme
en proie à la plus extrême terreur sans qu’il faille y trouver une cause
précise.
    Le cavalier vêtu de noir de pied en cap, à l’espagnole,
et jusqu’aux longues, belles et soyeuses plumes de son chapeau, enfonça ses
éperons d’or dans les flancs de sa monture dont le cœur éprouvé par semblable
effort risquait de rompre à tout instant.
    Il s’agissait là d’un des hommes les plus
influents du royaume des lys, un des plus redoutés, et des plus ambitieux, aussi.
Il s’apprêtait à entrer en conjuration et grand crime auquel il n’est point
accordé de pardon, ni en le royaume de France, ni en celui des cieux.
    Il ralentit sa monture.
    L’homme, qui n’était rien moins que duc, et
des plus puissants, leva vers le ciel son visage tout de morgue et contempla un
instant d’un regard hautain les étoiles minérales et glacées au-dessus de
remparts en ruine. L’endroit, balayé par le vent, n’inspirait guère confiance
mais le cavalier se dirigea sans trembler vers le grand orme mort qu’on lui
avait désigné comme lieu de rencontre.
    Étonné et fâché de n’y voir nulle âme vivante,
il se tourna vers son compagnon.
    — Eh bien, baron, n’étions-nous point
attendus ?
    L’autre répondit avec un fort accent :
    — J’en suis étonné le tout premier, monsieur
le duc.
    Le baron bavarois Dietrich von Hoflingen, venu
d’Allemagne pour servir l’ambition du duc et aider au complot, était un homme
de haute taille dont le visage portait balafre blême et boursouflée depuis l’œil
jusqu’au menton.
    Bien qu’il fût d’un très remarquable courage, prouvé
en vingt batailles, l’Allemand ne se sentait point en grande sécurité. Il n’ignorait
pas que son maître avait maintes fois trahi en sa vie dès lors qu’il y trouvait
quelque intérêt. De plus, les ruines du vieux château fort dont les créneaux
semblaient fine dentelle de pierres se détachant sur la clarté lunaire, ces
ruines lui rappelaient qu’en la durée tout s’achève un jour, des plus
puissantes forteresses aux plus vaillants soldats.
    Le Bavarois entendit un bruit léger que peu d’hommes
auraient perçu tant les hurlements du vent masquaient toutes choses, cris de la
chouette solitaire ou appel de petit mulot saisi entre les serres de quelque
oiseau de proie.
    Von Hoflingen mit pied à terre et sortit l’épée
du fourreau, imité en cela par le duc félon.
    Une silhouette apparut.
    — Tout beau, messeigneurs, je suis celui
que vous attendiez et ne porte point l’épée, pas même le poignard, étant homme
d’Église et non soldat ou tire-bourse.
    — Montre-toi !… lança rudement le
duc.
    L’homme s’avança. Visage épais et sans finesse,
corps gras sous la robe de moine.
    — Eh bien parle, où dois-je aller ? demanda
le puissant seigneur d’une voix où perçait irritation croissante.
    Le moine sourit.
    — Ainsi, c’est vous, monsieur le duc !
    — Quoi, me connais-tu ?
    Loin de répondre sur-le-champ, le moine baissa
la tête sans cesser de sourire, impertinence qui grandit encore la colère du
duc puis, se frottant les mains avec onctuosité, il répondit d’un ton qui se
voulait humble mais en lequel se devinaient fausseté et calcul :
    — Je vous vis jadis, monseigneur, quand
vous étiez un des très redoutés archimignons du défunt roi Henri troisième puis
plus tard, mais de fort loin, en l’époque où vous fûtes gouverneur d’Angoulême.
    Contenant la menace qui lui brûlait les lèvres,
le duc insista :
    — Fort bien !… Et tu n’as pas oublié
mon visage, semble-t-il ?…
    — Monseigneur, je l’aperçus sur fond de
pourpre et d’or et le vois aujourd’hui en cette nuit glacée de grande
désolation, mais c’est bien le même. Et comment l’oublier ?…
    Le duc lui lança une bourse emplie d’or en
disant :
    — Avec cela, l’oublieras-tu, ce visage ?…
    — Tant plus je vous regarde, monseigneur,
et plus je vous oublie.
    Le duc, qui tenait le moine pour perfide,
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