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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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tenait tête. Elle ne pouvait pas méconnaître la lutte furieuse qui
se livrait dans l’esprit de nombre de ces moines. Écartelés entre leurs désirs
de chair et leurs vœux, ils craignaient ou détestaient les femmes et leur
séduction. Mettre au compte du diable la faiblesse qu’ils se sentaient en leur
présence les absolvait. Cela étant, pour l’avoir rencontré, Artus ne croyait
pas que Florin fut de la race à s’embarrasser d’abstinence. Mais justement, la
haine des femmes, l’envie d’exercer sur elles un pouvoir délétère passait
également par la chair.
    L’écœurement le disputait chez le comte à la colère. Depuis
qu’il avait vu Agnès récoltant le miel en braies de paysan, calmant les
abeilles, il rêvait de ce long cou pâle au petit matin. Il rêvait de le humer,
d’y poser ses lèvres encore endormies. Il rêvait de ses longues mains fines qui
tenaient les rênes avec une tendre fermeté, celle des vrais cavaliers. Il les
rêvait sur son ventre, contre ses reins. L’évocation devenait si précise, si
malvenue aussi, qu’il la chassa de son esprit, conscient qu’elle s’imposerait à
nouveau à la moindre trêve de sa volonté.
    — Dans la missive qui t’accompagnait, madame de Souarcy
évoquait une influence occulte infiniment plus puissante que celle de son
fourbe de demi-frère.
    — C’est, en effet, la conclusion à laquelle nous en
étions rendus, monseigneur. Eudes de Larnay pouvait rémunérer l’inquisiteur. En
revanche, il ne pouvait pas lui garantir de soutien d’importance. Son influence
se limite à son petit domaine et est bien moindre que la vôtre. Quelqu’un d’autre
est donc intervenu, confortant Nicolas Florin dans sa position.
    Artus se dirigea vers l’une des fenêtres à petits carreaux
irréguliers sertis de plomb, si rares en cette époque. Bras croisés dans le
dos, il se planta face aux jardins que ce milieu d’automne enflammait de roux
et d’ocres. À quelque distance, un couple de cygnes glissait sur l’étang,
éternellement élégants sur leur élément et si patauds dès qu’ils rejoignaient
la terre. Un jour, il la conduirait, la soutenant de son bras. Il lui
présenterait les cygnes difficiles, les paons arrogants et les daims albinos
dont les grands yeux de velours suivraient timidement leur approche. Un jour,
il lui réciterait : « J’aime marcher parmi ces odeurs, poser mes yeux
sur ces merveilles de fleurs [8]  »,
et elle lui répondrait, rendant toute sa force et sa douceur à cette œuvre de
monsieur Chrétien de Troyes* : « Je vous ai mis à l’épreuve. Ne soyez
plus attristé, car je vous aime encore davantage, tout comme je sais que vous m’aimez
du plus profond de vous [9] . »
Un jour. Bientôt.
    Défaire Florin. Le tuer si nécessaire.
    Il se surprit à répondre à l’enfant comme s’il s’agissait d’un
interlocuteur d’âge comparable :
    — Or, Florin n’est pas sans ignorer mes liens d’enfance
et d’affection avec le roi de France. Son impudence, son... immunité, lui
viennent donc de Rome. Ajoute à cela que nous sommes sans pape et que nous
ignorons qui sera le suivant. Il s’agit donc de quelqu’un d’une grande
influence au Vatican, quelqu’un qui n’est pas le souverain pontife. Nulle
surprise à cela. Feu Benoît* était un être de miséricorde, un réformateur. Il
aurait pu incliner notre histoire vers la compassion et la clémence. Ils ne lui
en ont pas laissé le temps. Huit mois de règne... Je suis convaincu qu’on a
veillé à sa brièveté. Et vois-tu... Je subodore que ses ennemis sont aussi les
nôtres.
    — Mais qui ? interrogea Clément.
    — Nous allons le découvrir, mon garçon, je t’en fais
serment. Retire-toi maintenant.

 
Commanderie templière d’Arville, Perche-Gouet,
octobre 1304
    Située en plein cœur de l’ancien territoire des Carnutes,
sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, la commanderie templière d’Arville
avait été l’une des premières créées, grâce à la générosité d’un seigneur de
Mondoubleau, Geoffroy III, qui avait offert au Temple mille hectares de forêt.
Un mince groupe de chevaliers, accompagnés d’écuyers et de frères de métier [10]  –pour la plupart bouviers et
bergers  – s’y était installé dès 1130.
    La commanderie avait triple vocation. Domaine agricole
puisqu’elle devait fournir viande, grains, bois et chevaux pour soutenir l’effort
de conquête en Terre sainte, elle servait également
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