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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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déroulaient pas telles qu’il
les avait prévues et cela depuis leur toute première rencontre, lorsqu’il était
venu lui signifier le début de son temps de grâce. Quoi ? Que croyait-elle ?
Qu’elle serait plus forte que lui ? Qu’il ferait preuve de mansuétude à
son égard ? En ce cas, elle allait bientôt déchanter. Il souleva le
panneau de cuir et plissa les yeux pour apercevoir un coin de ciel. Le soir
tombait. Ils progressaient à l’allure lente et sûre des chevaux depuis sexte*.
Elle n’avait pas levé une fois les yeux de ses mains jointes sur ses cuisses,
ni prononcé un mot, ni même réclamé à boire ou une courte pause de dame que
Nicolas eut été ravi de lui accorder sous la garde de l’un de ses rustres afin
de l’humilier et qu’elle se pisse de nervosité sur les souliers ou le bas de la
robe.
    Une vague alarme se glissait dans l’exaspération du seigneur
inquisiteur. Sa proie avait-elle reçu des assurances de protection ? Et en
ce cas, de qui ? Du comte Artus d’Authon, de la mère abbesse des Clairets*,
d’encore plus puissant ? Mais qui pouvait être plus puissant que le
commanditaire de cette silhouette autoritaire qui lui avait rendu visite en la
maison de l’inquisition d’Alençon ? Allons, il se faisait peur comme un
petit garçon. La bâtarde avait adopté la morgue des dames dont elle briguait le
rang, voilà tout.
    Le regard bleu-gris quitta les mains entrelacées en prière
et se riva à celui de Nicolas. Une sorte d’incommodante chaleur monta aux joues
du jeune homme qui détourna aussitôt les yeux en se maudissant de ce réflexe.
Il existait quelque chose d’étrange chez cette femme, une chose qu’il n’avait
pas pris le temps de voir, ou peut-être qu’il avait refusé d’entrevoir. Il
tenta de définir ce qu’il ressentait, sans y parvenir vraiment. Il avait eu,
par instants, le sentiment grisant de la terroriser, à l’instar des autres.
Puis soudain, une autre femme se dévoilait, comme la porte dérobée conduisant à
un sombre souterrain. Et cette deuxième femme ne le redoutait pas. Étrangement,
Florin avait la conviction diffuse qu’Agnès n’était pas maîtresse de ces
métamorphoses. S’il avait été un benêt fanatique à l’image de certains de ses
frères, il y aurait sans doute vu l’effet d’une possession démoniaque. Mais il
ne croyait pas au diable. Quant à Dieu, ma foi, Il pouvait attendre. La vie et
les plaisirs qu’elle destinait à qui savait les prendre préoccupaient davantage
le seigneur inquisiteur. En dépit de ceux qu’il avait fait condamner et
exécuter pour sorcellerie ou possession, Florin n’avait rencontré nulle
indéniable preuve de l’existence des thaumaturges ou des jeteurs de maléfices.
    L’énervement l’emporta sur la ruse et il lança :
    — Vous savez bien sûr, madame, que la procédure
inquisitoire* ne tolère nul avocat, si ce n’est l’accusé lui-même.
    — En effet.
    — En effet ?
    — Je suis au fait de cette particularité, répondit-elle
d’une voix dont l’assurance humilia l’inquisiteur.
    Il jugula la fureur qu’il sentait monter en lui et qui lui
donnait envie de la gifler. Il aurait dû se contraindre au silence, il le
savait, pourtant l’envie de la voir blêmir fut la plus forte, et il persista d’un
ton dont la douceur lui coûtait :
    — L’habitude veut que nous ne communiquions pas l’identité
de nos témoins à charge, pas plus que le contenu de leurs déclarations...
Cependant, et puisque vous êtes une dame, je puis vous accorder ce privilège...
    — Vous ferez, j’en suis sûr, comme il est juste et
souhaitable, monsieur. Si vous le permettez, je vais m’assoupir un peu. La
longueur des journées qui m’attendent m’encourage au repos.
    Elle s’appuya contre le dossier de bois de sa banquette et
ferma les paupières.
    La rage amena les larmes aux yeux de Florin, qui serra les
lèvres de crainte de se laisser aller à un écart de langage qui eût renseigné
Agnès sur son état de nerfs. Une phrase le consola un peu, celle d’un des plus
honorés canonistes : « La finalité des procès et des condamnations à
mort n’est pas de sauver l’âme des accusés mais de maintenir le bien public et
de terroriser le peuple... S’il est difficile de conduire un innocent au
bûcher... je loue l’habitude de torturer les accusés [1] . »
    Agnès n’avait nulle envie de dormir, elle réfléchissait.
Venait-elle de marquer un point
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