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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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unique est décédé il y a quelques mois.
Auriez-vous su le guérir, messire médecin ?
    — Je l’ignore, monseigneur, car j’ignore quels étaient
les symptômes du mal qu’il présentait, bien qu’ayant été informé de votre
terrible perte. (Les larmes étaient montées aux yeux du vieux médecin qui avait
secoué la tête en murmurant :) Ah, les petits, les petits... Ils ne
devraient jamais mourir avant nous.
    — Et pourtant... Il était de constitution fragile comme
sa mère, souvent malade et fiévreux, pâle de peau et saignait abondamment à la
moindre blessure. Il se plaignait souvent de fatigue, de maux de tête, d’inexplicables
douleurs dans les os.
    — Était-il frileux ?
    — Au point que sa chambre était chauffée jusqu’à l’été.
    Artus avait marqué un arrêt avant de poursuivre :
    — Comment se fait-il qu’un Juif ait choisi notre coin
de terre pour exercer ?
    Joseph s’était contenté de hocher la tête. Artus avait
poursuivi :
    — Être Juif est une bien redoutable condition en ce
moment dans le royaume de France.
    — C’est une bien redoutable condition de longtemps et
dans tant de royaumes, avait rectifié le médecin dans un pâle sourire.
    — Vous passez pour les meilleurs médecins du monde avec
les Arabes. Votre réputation est-elle fondée ?
    — C’est à nos patients d’en témoigner.
    Artus, auquel la tristesse ne laissait aucune trêve depuis
la mort de Gauzelin, s’était autorisé une boutade que de longs mois de deuil et
de souffrance rendaient pénible :
    — S’ils en témoignent, c’est donc que vous les avez
guéris, ce qui est bien mieux que ce que parviennent à réussir la plupart des
nôtres. (Il avait inspiré afin de formuler la question qui le hantait et lui
faisait trembler la voix :) Il... Mon médecin a pratiqué moult saignées.
Elles m’inquiétaient mais il semblait si sûr de sa science.
    — Ah... Qu’ils aiment donc les saignées ! Elles
étaient absurdes dans le cas de votre fils, mais, si j’en juge par votre
description, le petit garçon serait mort quand même.
    — Quelle était sa maladie selon vous ?
    — Une faiblesse de sang que l’on rencontre surtout chez
les jeunes enfants ou les vieillards de plus de soixante ans. Il n’est pas
exclu que la même maladie, sous une forme moins aiguë, vous ait ravi madame
votre épouse. Elle est incurable.
    Étrangement, ce diagnostic avait un peu allégé le terrible
chagrin du comte. Ce n’était pas une insuffisance de ses médecins, donc de lui-même,
qui se trouvait à l’origine de la mort de Gauzelin, mais une sorte de fatalité
contre laquelle nul n’aurait pu lutter.
    Joseph avait ensuite trouvé refuge au château. La
bibliothèque et la totale liberté que lui accordait le comte le rassuraient,
son influence également. Peu à peu, la reconnaissance avait cédé place à l’estime,
car Artus d’Authon n’était pas de ces hommes bavards qui disent pour ne pas
faire. Ainsi, lorsqu’il avait lancé au détour d’une conversation :
    — Si la situation des vôtres devait encore s’aggraver,
et je le redoute, je ne saurais trop vous encourager à une conversion de forme.
Mon chapelain y veillera. Dans l’éventualité où celle-ci vous paraîtrait
abjecte, Charles II d’Anjou, le cousin du roi Philippe*, qui imite sa rigueur
vis-à-vis de votre peuple en Anjou, est beaucoup plus généreux lorsqu’il s’agit
de son comté de Provence ou de son royaume de Naples. C’est un homme prudent
mais avisé : les Juifs l’enrichissent. Naples me semble assez loin pour
être plus sûr. Je vous aiderai à vous y rendre.
    Joseph avait su au regard sombre qui le détaillait que cet
homme-là ne renierait pas sa parole, quoi qu’il lui en coûtât.
    Joseph soignait donc depuis les petites misères des
habitants du château  – car le comte jouissait d’une santé propre à
désespérer n’importe quel médecin soucieux d’exercer son art  – ou les
affections plus sérieuses de ses paysans, la plupart dues à des carences ou à
des manquements à l’hygiène. Le vieux médecin avait cessé de s’interroger sur l’incohérence
de l’homme, convaincu qu’il s’agissait là d’une insoluble recherche. Ses
patients lui manifestaient leur reconnaissance par force petits cadeaux et le
saluaient bas dans les rues, le prenant pour un savant  – ou mieux un
puissant mage  – italien requis par leur maître afin d’assurer leur
bien-être.
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