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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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à Céton et
n’y parviendrai pas avant la nuit, inventa-t-il.
    Archambaud d’Arville fut-il dupe ? Leone n’aurait su l’affirmer.
Toujours est-il qu’il proposa :
    — Soyez notre hôte bienvenu. Un de nos gens s’occupera
de votre monture. Quant à nous, commençons donc par nous restaurer.
    — Il me faudra partir peu après none*, si je veux
trouver une auberge en arrivant à Céton. Je m’annoncerai en l’abbaye demain
matin.
    — Votre visite sera donc d’une brièveté que je déplore,
affirma l’autre d’un ton trop léger pour être convaincant. Mais suivez-moi, je
manque à tous mes devoirs.
    Leone lui emboîta le pas vers l’édifice qui flanquait le
porche à droite. Ainsi, il s’agissait bien du logis du précepteur.
    Deux écuyers se trouvaient déjà attablés dans la grande
salle. Ils plongèrent le nez dans leur soupe et avalèrent leur repas avec une
précipitation qui montrait assez leur désir de quitter la salle commune au plus
vite.
    Sans être luxueuse, la table des templiers était réputée
moins fruste que celle à laquelle étaient accoutumés les chevaliers
hospitaliers. Le Temple, contrairement à l’Hôpital, avait de tout temps été un
ordre guerrier. L’abstinence alimentaire que pratiquaient ses membres s’en
était trouvée allégée puisqu’il faut nourrir les soldats si l’on souhaite qu’ils
se battent comme des lions.
    Un frère de métier les servit rapidement, posant devant
Leone un verre d’hypocras et devant Archambaud d’Arville une épaisse tranche de
pain du pauvre [16] fait de méteil  – un mélange de blé et de seigle  – et d’orge à peine
tamisés. Après avoir tracé une croix sur la mie marron du bout de son couteau,
le commandeur rompit la tranche pour en offrir la moitié au chevalier
hospitalier. Tous deux remercièrent Dieu de ce bienfait.
    Le frère de métier posa ensuite sur ce tranchoir une part de
tourte d’espinoches [17] au lard qui fut suivie d’une langue de bœuf rôtie au verjus.
    La vague surprise qu’avait ressentie le chevalier dès son
arrivée se métamorphosait progressivement en alarme. Arville semblait si peu
curieux de sa venue, de son itinéraire, si indifférent en somme, alors qu’il
aurait dû tenter de glaner des informations, le sachant hiérarchiquement
important au sein de l’Hôpital.
    Leur repas se déroula dans un étrange silence, seulement
coupé par quelques commentaires sur les mets qu’ils dégustaient, sur les
récoltes de l’année, sur l’improbabilité d’une proche croisade.
    Arville approuva les réserves de Leone en la matière d’un :
    — Nous en sommes à vendre nos chevaux sur les marchés.
Nous ne pouvons entretenir plus de cinquante bêtes.
    Ce bavardage d’intendant troublait Leone. Cette benoîte
surface de civilité dissimulait autre chose. Or, il eut été insensé de croire
que le commandeur était au courant de sa visite et encore moins de sa quête. L’autre
perçut-il son malaise, toujours est-il qu’il changea aussitôt d’attitude,
ajoutant à la méfiance de son hôte de quelques heures. Forçant sa jovialité,
Archambaud d’Arville lui conta les mésaventures de son installation en
Perche-Gouet quatre ans auparavant. Il relata par le menu son départ d’Italie
 – pays qu’il avait regretté  –, son arrivée ici, le laisser-aller
dans lequel il avait trouvé la commanderie. Il avait alors été contraint de
distribuer avertissements et punitions ordinaires, alternant les pénitences de
pain et d’eau, les jeûnes de deux jours et l’obligation pour les plus fautifs
de manger à même le sol. À l’entendre, le commandeur était ainsi parvenu à
rappeler à l’ordre certains frères coupables de péchés véniels et qui, ma foi,
s’en accommodaient fort bien. Il s’esclaffa en relatant l’anecdote de ce
sergent templier si gourmand qu’il sortait à la nuit pour plonger des deux
mains dans les barriques de miel. On l’avait retrouvé au matin gavé, endormi et
surtout couvert de fourmis au point qu’il était resté quatre jours tuméfié de
morsures. De cet autre qui avait un penchant marqué pour la dive bouteille au
point qu’il se saoulait avant le premier office du jour et restait appuyé à l’un
des piliers du temple Notre-Dame pour ne pas s’écrouler au sol, marmonnant «  Salve, Regina,
Mater misericordiae ; vita, dulcedo et spes nostra [18]  » en hoquetant
sur chaque mot. De ceux qui avaient parfois tendance à
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