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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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Certes, l’étrange attitude du commandeur l’avait intrigué. Quant
à sa cordialité bavarde, elle ne l’avait pas leurré. Cela étant, Leone n’avait
jamais compté sur l’aide spontanée de l’ordre du Temple, d’autant qu’Archambaud
d’Arville ne pouvait avoir nulle connaissance de l’existence d’une clef  –
quelle qu’elle fût  – dans le temple Notre-Dame, sans quoi il ne l’y eut
jamais laissé seul.
    Leone allait devoir définir une stratégie pour parvenir à
ses fins : investir la commanderie assez longtemps et assez librement afin
de découvrir le mystère.
    Il flatta l’encolure de la haridelle de louage qui le
portait. L’animal, peu accoutumé à ces marques d’affection, hennit et redressa
la tête d’appréhension.
    — Tout doux, ma jolie. Nous repartons en paix.
    La rouerie de sa démarche l’avait-elle fatigué à ce point ?
Il éprouvait un mal fou à se redresser. Sa monture répondit à la légère
pression de ses mollets et allongea le pas.
    Il sembla à Francesco de Leone qu’il venait à peine de
quitter l’enceinte de la commanderie lorsqu’il se rendit compte que la forêt l’environnait
et que le soir commençait de tomber. Il était en nage et grelottait. Une soif
déplaisante lui collait la langue au palais et des vertiges le déséquilibraient
par instants. Le ciel et les cimes des arbres tournoyaient au-dessus de lui. Il
tenta de se ressaisir, se cramponnant aux rênes, et comprit au moment où il
glissait de selle qu’il avait été drogué. Le bol de cidre de la fraternité. L’espace
d’un fugace instant, il se demanda si la drogue devait le tuer ou juste l’anesthésier.
Il sourit à cette pensée et s’écroula sur le lit de feuilles mortes qui
recouvrait l’humus.
    Archambaud d’Arville mit pied à terre à une dizaine de toises*
de là. Le dégoût le disputait chez lui à l’alarme. Tuer un frère, un homme de
Dieu qui avait risqué sans hésitation sa vie pour leur foi, lui semblait un
intolérable péché. Cependant, il n’avait pas le choix. L’avenir de la
commanderie, peut-être même de la présence de leur ordre en France, dépendait
de cette félonie qu’il ne se pardonnerait jamais. Cette abjecte silhouette,
venue lui rendre visite deux jours plus tôt, avait été formelle. Leone devait
mourir, et il fallait qu’on le crût tombé sous les coups d’une bande de
détrousseurs. Arville ignorait les raisons de cette sentence, mais la missive
qui exigeait son accomplissement, et que lui avait tendue le spectre, portait
le large sceau-sans-pape légitimant les actes et messages dans l’attente d’un
nouveau souverain pontife. Le templier avait déjà tué. Néanmoins, il avait tué
avec honneur, face à face, guerroyant parfois à cinq contre un, en soldat. Si
sa chair avait été lacérée, brûlée, son âme était restée intacte. Avoir dû
droguer Leone pour être certain de dominer cette lame redoutable lui donnait la
nausée et pour la première fois de sa vie, il se méprisait. Il devenait un vil
exécuteur, et la certitude que la papauté était son donneur d’ordre n’allégeait
pas sa culpabilité.
    Il tira sa dague et s’approcha du corps inerte de son frère.
    Repassèrent dans son esprit d’effroyables souvenirs de
mêlées humaines, d’épouvantables visions de champ de bataille devenus
charniers. Il entendit pour la millième fois le hurlement des mourants, les
cris bestiaux des vainqueurs que l’odeur du sang enivrait, que la curée rendait
fous. Tant de morts. Tant de morts au nom de l’amour infini. Leurs âmes en
sortaient-elles grandies ainsi qu’on l’assurait ? N’existait-il nulle
autre alternative à ces massacres ? Mais s’il se prenait à douter, l’enfer
s’ouvrait sous ses pas.
    Le mouvement derrière lui fut rapide et si silencieux qu’il
ne l’alerta pas. Une douleur explosa dans sa poitrine. Il plaqua la main sur
son torse et se meurtrit à la pointe d’une courte épée. Il sentit nettement le
métal fuir de lui pour replonger aussitôt dans ses chairs.
    Il tomba à genoux, vomissant son sang. Une voix fraîche,
claire comme une source, une voix de très jeune fille implora :
    — Pardon, chevalier. De grâce, offrez-moi le pardon. Je
devais le sauver, il est si précieux, tellement plus que nous. Je n’étais pas
certaine d’être de taille contre vous. Je ne pouvais vous attaquer de face.
Chevalier, je jure que je sauve votre âme. Pardonnez-moi, je vous en
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