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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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douce Yolande s’était vite
ressaisie : son Thibaut ne pouvait être mort. Du moins l’abbesse
espérait-elle que Yolande avait persisté à le croire jusqu’au bout.
    Annelette avait vu juste, Éleusie de Beaufort en aurait
juré. La sœur grainetière avait dû narrer à son informatrice la scène violente
qui s’était déroulée dans le bureau de l’abbesse. Elle avait dû l’assurer qu’on
n’était pas parvenu à lui arracher son nom. Pas le moindre doute ne l’avait
effleurée quant au fait que l’aimable porteuse de bonnes nouvelles n’était
autre que la meurtrière. Yolande n’avait pas eu le plus mince soupçon que sa
confidence signait son arrêt de mort, car l’autre ne prendrait pas le risque d’être
dénoncée.
    Pauvre petit ange qui venait de rejoindre son fils. Le jour
où la terre avait plu sur le cercueil de Yolande, Éleusie s’était fait une
promesse. Elle trouverait qui avait ainsi menti à Yolande, et elle trouverait
pourquoi. Il lui semblait que sa fille ne pourrait reposer sans cela. Il lui
semblait que ce petit Thibaut qu’elle n’avait jamais connu le lui réclamait,
pour sa mère et pour lui. Être l’infime artisan de Dieu, se lever et se tenir
droite pour faire barrage à l’ignominie lui paraissait soudain plus crucial que
tout le reste. L’informatrice de Yolande de Fleury n’était autre que la
meurtrière d’Adélaïde, d’Hedwige, de Jeanne, et des messagers du pape.
Pourtant, étrangement, les mensonges grâce auxquels cette damnée avait leurré
la petite sœur grainetière, la berçant de fables ignobles sur la santé de son
fils, devenaient aux yeux d’Éleusie l’emblème d’un impardonnable péché. L’abbesse
avait d’abord souhaité éliminer le danger, le bouter hors les murs de l’abbaye,
faire justice ensuite, si elle le pouvait. Maintenant, elle exigeait que soient
payées les fautes. Au juste prix. La mort et rien d’autre.
    Le givre matinal crissait sous ses pas lorsqu’elle s’en
retourna vers les bâtiments. Avant, une éternité plus tôt, elle avait aimé l’arrogance
paisible de l’hiver. Elle avait souri de ce silence de neige qui semblait
engloutir chaque son. Il lui avait semblé que ce froid-là n’était pas si
méchant puisque l’on pouvait lutter contre lui en se blottissant près d’une
cheminée ou en avalant un plein bol de soupe chaude. Ce matin, le froid
mortifère rampait sous sa peau et ne la quittait plus. Elle songea à tous ces
morts, à toutes les petites créatures des forêts qui les environnaient et qui
ne survivraient pas jusqu’aux jours meilleurs. La mort. La mort coulait, s’infiltrait,
s’insinuait partout. Sa vie était devenue un cimetière et nulle vie n’y
changerait jamais plus rien. Elle était la dernière survivante de la nécropole
qui s’était installée dans son esprit.
    Quelques flocons épars lui piquèrent les mains avant de
disparaître en fondant et elle hésita. Rejoindre Annelette à l’herbarium ?
Elle n’en avait pas le courage. Non, son bureau, pour hostile qu’il lui fut
devenu depuis cette épouvantable scène avec Yolande, était encore le seul
endroit où elle parvenait à réfléchir.
    La cloche de l’église Notre-Dame sonna à la volée. Des cris
soudains et une odeur âcre lui firent tourner la tête vers l’hostellerie. Elle
courut dans cette direction. Des flammes s’élevaient d’une des meurtrières, et
le rugissement profond de l’incendie lui parvenait. Le feu. Une nuée de sœurs s’activaient
sous les ordres d’Annelette, charriant des seaux lourds d’eau. Une chaîne
humaine se forma bientôt. Les seaux, les cuvettes, tous les récipients
passaient de mains en mains. Annelette aperçut enfin l’abbesse et se précipita
vers elle en criant :
    — C’est un subterfuge, je le jurerais ! Elle tente
de détourner notre attention, mais j’ignore de quels méfaits.
    Éleusie comprit aussitôt : la bibliothèque secrète.
Elle fonça en sens inverse, courant aussi vite qu’elle le pouvait.
    Lorsqu’elle en poussa la porte, lorsqu’elle avança d’un pas
dans la pièce glaciale, elle sentit que quelque chose d’anormal s’y déroulait.
Son regard tomba sur l’épaisse tapisserie qui dissimulait le court passage et
la porte conduisant au lieu confidentiel. Une respiration semblait lui donner
vie, gonflant par instants la scène biblique.
    Qui ? Qui avait découvert son secret ? Qui s’y
était introduit ? Mon Dieu, les livres
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