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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Autoren: Stephen Crane
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directions, comme de l’écume pourpre, quelles couleurs triomphaient.
    Son régiment amoindrit s’ébranla en avant avec une férocité intacte quand son tour arriva. Et lorsqu’à nouveau les hommes furent assaillis par les balles, ils éclatèrent en des cris barbares à la fois de douleur et de rage. Ils baissaient la tête comme pour accompagner de leur intense haine les obus qui continuaient à pilonner l’ennemi. Les baguettes faisaient un furieux tintamarre comme leurs mains impatientes bourraient leurs fusils de cartouches. La ligne de front du régiment n’était plus qu’un écran de fumée opaque traversée par des points brillants en jaune et rouge.
    Déjà souillés par le précédent combat, ils le furent encore et complètement en un temps étonnamment court. Pas une fois ils ne furent aussi barbouillés et sales. Se balançant d’avant en arrière, tendus par l’effort, balbutiant sans cesse, ils avaient l’air, – avec leurs corps vacillants, leurs faces noircies et leurs regards fiévreux –, d’étranges et affreux démons qui dansaient lourdement la gigue dans la fumée.
    Le lieutenant de retour, après être allé se faire un pansement, produisit depuis un fond caché de son esprit, des jurons nouveaux et remarquables pour l’urgente situation. Il balança des chapelets de superlatifs comme un fouet sur le dos de ses hommes ; et il était évident que ses efforts précédents n’avaient pas le moins du monde entamés ses ressources.
    L’adolescent, encore porteur du drapeau, ne se sentait pas inoccupé. Il était profondément absorbé en tant que spectateur. Les chutes et les incertitudes du grand drame le faisaient se pencher vers l’avant, le regard intense, les traits du visage légèrement contorsionnés. Parfois il balbutiait, les mots lui venaient en exclamations inconscientes et grotesques. Il ne se rendait pas même compte qu’il respirait, que le drapeau pendait silencieusement au dessus de lui, tellement il était absorbé.
    Une formidable ligne ennemie approcha dangereusement à portée de tir. On pouvait nettement les apercevoir : des hommes grands et maigres, le visage excité, qui couraient à grands pas vers une barrière abandonnée.
    À la vue du danger les hommes cessèrent immédiatement leurs malédictions dites d’un ton monocorde. Il y eut un moment de silence tendu avant qu’ils n’épaulent leurs fusils, et ne tirent une consistante volée vers leurs ennemis. On ne leur avait pas donné l’ordre de tirer ; les hommes en reconnaissant la menace, avaient immédiatement donné libre court à leurs flots de balles sans attendre le mot d’ordre.
    Mais l’ennemi fut rapide à gagner la ligne de protection formée par la clôture abandonnée. Ils glissèrent derrière elle avec une remarquable célérité, et depuis cette position ils commencèrent vivement à tailler en pièce les hommes en bleu.
    Ces derniers concentrèrent leurs énergies pour une grande lutte. Des dents serrées et blanches brillaient fréquemment sur les faces poussiéreuses. En grand nombre, les têtes surgissaient vers l’avant et vers l’arrière, flottant dans une mer de fumée livide. Ceux qui étaient derrière la clôture criaient et hululaient fréquemment de manière provocante et railleuse, mais le régiment maintenait un silence tendu. Peut-être qu’à ce nouvel assaut les hommes se rappelèrent ils leur surnom d’éboueurs, ce qui rendait leur situation trois fois plus amère. Pour tenir leur position et repousser ce joyeux corps de troupe ennemi, ils se concentraient à en perdre haleine. Ils se battaient avec une vivacité et une sauvagerie manifeste dans leurs expressions.
    L’adolescent avait résolu de ne pas bouger quoiqu’il arrive. Les quelques traits de mépris qui s’étaient profondément lovés dans son cœur avaient généré une haine étrange et indicible. C’était clair pour lui que sa revanche finale et définitive devait se parfaire par son corps couché, mort ; contorsionné mais splendide sur le champ de bataille. Ce serait une réplique poignante pour l’officier qui les avait traités de muletiers, et puis d’éboueurs ; car dans toutes les tentatives forcenées de son esprit à trouver quelqu’un qui serait responsable de ses souffrances, et ses tumultueuses agitations, il saisissait toujours l’homme qui l’avait si ridiculement surnommé. Et c’était son idée, vaguement formulée, que son cadavre serait pour ces yeux-là un
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