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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Autoren: Stephen Crane
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l’abriter.
    Mais ses blessures faisaient sans cesse paraître ses pieds en retard, cloués au sol, et il mena une lutte sinistre, comme avec d’invisibles goules avidement accrochées à ses membres. Dans cette course folle des bleus, ceux qui étaient en avant, hurlant de triomphe, bondirent sur la barrière. Au moment où il se tournait vers eux le porte-drapeau eut le regard désespéré d’un homme irrémédiablement perdu.
    L’ami de l’adolescent passa à travers l’obstacle d’une masse confuse, et bondit sur le drapeau comme une panthère sur sa proie. Il tira dessus, et l’arrachant d’une torsion, leva d’un coup le drapeau rouge et brillant, avec un cri de folle exaltation ; au moment même où le porte-drapeau, hoquetant, s’écroulait dans dernier râle, et après quelques convulsions tournait son visage mort vers le sol. Il y avait beaucoup de sang sur l’herbe.
    À l’endroit même du succès commença une clameur de triomphe encore plus sauvage. Les hommes gesticulaient et vociféraient dans l’extase. Ils parlaient comme si leur interlocuteur se trouvait à un mille plus loin. Ce qui leur restait de képis et de casquettes fût jeté très haut dans le ciel.
    Dans une partie de la ligne, quatre hommes furent pris durant l’assaut, et maintenant ils étaient assis en prisonniers. Quelques hommes en bleu faisaient cercle autour d’eux, les détaillant avec une curiosité avide. Les soldats avaient pris au piège d’étranges volatiles, et les examinaient. L’air était chargé d’un flot rapide de questions.
    L’un des prisonniers soignait une légère blessure au pied. Il l’étreignait comme pour la calmer, et levait fréquemment la tête en maudissant avec une complète aisance, droit sous le nez de ses geôliers. Il les recommandaient aux régions infernales et faisait appel à la colère et la malédiction d’étranges dieux. Et avec ça il était singulièrement dédaigneux quant aux règles de conduite d’un prisonnier de guerre. Comme si un gars stupide et maladroit lui ayant piétiné l’orteil, il considérait que c’était son privilège, son droit, d’user de jurons énormes et vindicatifs.
    Un autre qui avait l’âge d’un enfant, prenait son malheur avec un grand calme et en apparence avec bonhomie. Il discutait avec les hommes en bleu, les dévisageant d’un regard brillant et vif. Ils parlèrent de batailles et de conditions. Durant cet échange de points de vue, il y avait un grand intérêt sur tous les visages. Il semblait y avoir une grande satisfaction à entendre des voix, là où il n’y avait eut que ténèbres et spéculations.
    Un troisième prisonnier était assis avec un air morose. Il gardait une attitude froide et stoïque. À toutes les avances il répliquait sans varier : « Ah ! allez au diable ! »
    Le dernier des quatre gardait le silence, et la plupart du temps, détournait la tête de façon à éviter d’être dérangé. D’après ce qu’il avait pu en voir, il parut à l’adolescent dans un état profondément démoralisé. La honte était sur lui, et le profond regret, peut-être, qu’il ne serait plus compté dans les rangs de ses compagnons. L’adolescent ne vit rien dans son expression qui lui permette de croire que l’autre ait quelque pensée quant à son futur proche : la vue d’une geôle, peut-être, la famine et la brutalité, que l’imagination déroule dans ce cas. Tout ce qu’on pouvait voir était la honte d’être captif, et le regret d’avoir perdu le droit de se battre.
    Après que les hommes eurent suffisamment festoyé, ils s’installèrent derrière la vieille clôture, du côté opposé à celui d’où l’ennemi fut chassé. Quelques-uns tirèrent pour la forme sur des cibles distantes.
    L’herbe était haute. L’adolescent s’y installa pour se reposer, usant d’une barrière comme support convenable pour le drapeau. Son ami, l’air glorieux et réjoui, tenant fièrement son trésor, vint vers lui. Ils s’assirent côte à côte et se félicitèrent mutuellement.

CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME
     
    L’incessant roulement de tonnerre qui courait tout le long de la lisière de la forêt, devenait intermittent et faiblissait. La voix de stentor de l’artillerie se poursuivait dans quelque lointaine rencontre, mais les rafales de mousqueterie s’étaient presque tout à fait arrêtées. L’adolescent et son ami levèrent la tête subitement, ressentant une sombre détresse à ces bruits
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