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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce
Autoren: Andrea H. Japp
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araméen, que je
déchiffre, mais en une langue inconnue. À l’exception d’une phrase, une seule,
la dernière, écrite, elle, en araméen, une phrase que je connais par cœur.
« Et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite de la Puissance et
venir avec les nuées du ciel. » Il s’agit de l’évangile de Marc [121] , qui fait écho au livre de Daniel : « Le Dieu du ciel
dressera alors un cinquième royaume qui jamais ne sera détruit. »
    — Mon Dieu…, souffla Annelette.
Le Second Avènement ? Christ doit renaître pour nous sauver à nouveau.
Ainsi que le précise le saint Livre, il n’y en aura pas de troisième. Se
peut-il que…
    — Le papyrus est couvert de
dessins, étranges, inquiétants même. Des plantes bizarres et luxuriantes, des
femmes au bain, dans de larges vasques emplies d’un liquide vert [122] .
    — Des femmes… nues ?
s’enquit Annelette.
    — En effet. Deux saignent des
mains mais sourient. Le sang qui coule de leurs plaies est vert.
    — S’agit-il d’une stupide
galéjade ?
    — Je ne le crois pas.
    — Enfin, nul n’a le sang
vert ! éclata l’apothicaire, perdue.
    Une petite voix déclara d’un ton doux :
    — Certes… Cependant, si ce vert
voulait signifier qu’il est différent ? « La lignée vient par les
femmes. C’est de l’une d’elles que renaîtra le sang
différent. Ses filles le perpétueront. »
    — Différent en quoi ?
    — Je l’ignore, sourit Clément,
les larmes aux yeux.
    Il luttait depuis quelques secondes
contre l’envie de fuir. Loin, il ne savait où. Où nul ne parviendrait jamais à
le retrouver. La retrouver.
    Clémence venait de comprendre. Tout.
La providentielle intervention de Leone lors du procès, le meurtre du pape
Benoît XI, décidé à préparer la Seconde Venue, l’acharnement d’Honorius
Benedetti, conscient que celle-ci saperait les bases de l’Église que lui et les
siens avaient contribué à consolider, et même la terreur qui avait poussé Agnès
a exiger que la jeune fille n’avoue sous aucun prétexte son véritable sexe au
chevalier.
    Elle, Clémence, était la sixième
femme, celle qui occupait le centre, entourée de cinq autres, dont l’une était
Agnès. Sa mère. Sa mère qui avait élucidé avant eux le mystère. Sa mère qui
l’avait toujours cachée, sans même en comprendre la véritable raison. Sa mère
qui souhaitait plus que tout la protéger contre un destin éblouissant et
pourtant d’épouvante, car les meutes infernales se déchaîneraient contre celle
qui risquait de restituer la Lumière. Les âmes viles et ténébreuses qui
prospéraient sur le fumier du monde s’acharneraient à la détruire plutôt que de
voir disparaître les calculs, les bassesses, les vilenies sur lesquelles elles
s’engraissaient.
    Qui porterait un jour l’Enfant ?
Elle ou l’une des filles de ses filles ?
    Clémence résista à l’envie
suffocante d’arracher le papyrus des mains de Leone afin de le détruire.
    Cacher ce sang différent qui n’avait
de vert que le symbole. Elle n’en voulait pas. Elle voulait courir vers cette
femme magnifique dont elle était née. Elle voulait tomber à ses genoux, lui
baiser les mains, pleurer contre son ventre. Rien d’autre.
    Leone mit au compte de leur
découverte l’agitation douloureuse qu’il sentait chez le garçon. Lui-même
oscillait entre l’exaltation, l’extase même, et le soulagement. Il avait enfin
trouvé mais sa quête se poursuivait. Agnès, ainsi que le lui avait indiqué son
rêve, n’était pas LA femme, mais une des mères initiales, après Philippine.
D’elle naîtrait LA femme, car il ne doutait pas que ce rêve récurrent qui
l’obsédait depuis si longtemps fût prémonitoire. Cette enfante à venir était
celle qu’il devrait protéger mieux que sa propre vie.
    Une aimante tendresse, infiniment
triste, lui vint pour Éleusie de Beaufort, Eustache de Rioux, sa mère, Clémence
de Larnay, Philippine et Benoît, qui l’avaient tous guidé en ce moment précis.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, janvier 1305
    Trois jours plus tard, un peu
embêtée, Annelette décida dès après none de tenir compagnie à Blanche de
Blinot, leur pauvre doyenne. Depuis l’affreuse mort de Jeanne l’enherbeuse, la
sénilité semblait l’avoir tout à fait engloutie. Au demeurant, l’apothicaire
n’était pas certaine que la vieillarde eut compris toute la diablerie de la
tourière. Blanche dodelinait du chef
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